La table créée par Michel Bras en 1992, triplement étoilée depuis 1999 et reprise par son fils Sébastien depuis dix ans, ne figurera pas dans l'édition 2018 du guide rouge, qui sera dévoilée lundi prochain, a annoncé à l'AFP Claire Dorland-Clauzel, membre du comité exécutif du groupe Michelin, soulignant que ce cas de figure était "une première".
"Il nous paraissait difficile de faire figurer dans le guide un restaurant qui a clairement indiqué qu'il ne souhaitait pas y figurer, qu'il ne souhaitait pas faire partie de la grande famille des étoilés Michelin", a-t-elle expliqué. "Nous respectons une décision familiale".
En septembre, le chef Sébastien Bras, 46 ans, avait exprimé son souhait de ne plus figurer dans le Michelin, en invoquant la "grande pression" occasionnée par cette distinction. Le guide Michelin avait alors souligné qu'un tel retrait n'était pas "automatique", mettant en avant son "indépendance" dans l'attribution des distinctions.
"Aujourd'hui, j'ai envie de travailler en me mettant hors compétition, avec toujours cette excellence qui a fait la réputation de la maison", a déclaré le chef mardi à l'AFP, se disant "heureux" de la position du guide rouge.
"Il n'y aura plus cette tension de la troisième étoile, mais je ne renie pas ce que nous a amené le guide, ça a été une chance incroyable", poursuit Sébastien Bras, qui a pris cette décision avec sa femme Véronique, en concertation avec ses parents.
Le chef aveyronnais a précisé qu'il continuerait à investir dans son établissement, dont l'hôtel rénové doit rouvrir "dans quelques semaines".
'Jurisprudence'
Pour la "bible" de la gastronomie, un tel cas de figure est inédit : "C'est la première fois que nous avons une demande publique de cette sorte. Il y a eu des fermetures de restaurant, des chefs qui ont décidé de faire autre chose, de changer de concept", a rappelé Claire Dorland-Clauzel.
Elle a cité le cas d'Alain Senderens, qui, en 2005, au Lucas Carton à Paris, avait renoncé aux trois étoiles, souhaitant "troquer le bar contre la sardine" et un "service moins ampoulé". Sa table était toutefois restée dans le guide, avec deux étoiles. Ou encore celui d'Olivier Roellinger qui en 2008 avait fermé son restaurant trois étoiles à Cancale (Ille-et-Vilaine), affirmant ne plus avoir la condition physique nécessaire et vouloir partager sa cuisine "autrement".
Ne pas faire figurer Le Suquet est "une décision qui n'est pas facile, nous avons pris le temps d'y réfléchir", a reconnu Claire Dorland-Clauzel qui assure ne pas craindre que d'autres chefs suivent l'exemple de Sébastien Bras : "Il y a bien plus de gens qui veulent rentrer dans le guide que l'inverse", a-t-elle assuré. Elle a souligné que la "pression" évoquée par Sébastien Bras était un "sentiment très personnel".
Mais la décision du Michelin crée "forcément une sorte de jurisprudence", estime le rédacteur en chef du site Atabula, spécialisé dans l'actualité de la gastronomie, Franck Pinay-Rabaroust, ancien rédacteur du Michelin, qui évoque une "abdication" du guide.
"Cela ouvre une brèche, surtout à une époque où il y a une défiance par rapport au guide Michelin", estime-t-il. Un guide qui "reste la référence" mais a "pris un coup dans l'aile en ratant le virage de la bistronomie, cette cuisine simple, conviviale et pas trop chère".
A l'inverse du cas Bras, le chef Marc Veyrat a menacé de se "retirer des guides" s'il n'obtenait pas cette année une troisième étoile, dans une interview récente à Atabula.
Le guide Gault&Millau, qui compte Le Suquet dans sa sélection, s'est quant à lui démarqué de la position de son concurrent. "En tant que média indépendant, G&M décide de sa sélection librement" et n'accepte pas de "dépublier à la demande des restaurateurs", a indiqué sur Facebook Côme de Chérisey, patron du guide jaune.
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