Depuis le 1er janvier, les entreprises de plus de 25 salariés doivent être en mesure de prouver, documents à l'appui, qu'un homme et une femme gagnent autant au même poste et à performances égales.
Avec son millier d'employés, Landsbankinn, plus grande banque islandaise, détenue à plus de 98% par l'État après sa nationalisation lors de la crise financière de 2008, a commencé à se conformer à la loi.
Elisabet Björnsdottir, 34 ans, cadre au service trésorerie, assure ne s'être jamais sentie plus mal traitée que ses collègues hommes dans un pays qui comptait déjà parmi les mieux placés au monde sur ce sujet.
Mais "c'est l'une des raisons fondamentales pour lesquelles nous avons besoin de cette loi: l'écart salarial n'est pas quelque chose que vous pouvez facilement sentir ou voir. Vous pouvez peut-être avoir un sentiment mais il est vraiment difficile à prouver", dit-elle.
Le nouveau texte de loi inverse la charge de la preuve: il ne revient plus aux salarié(e)s de prouver la discrimination en raison de leur genre, mais aux entreprises de démontrer que, si écart de salaire il y a, le genre n'y a aucune part.
Concrètement, elles devront évaluer les exigences d'un poste et la capacité de l'employé à y satisfaire. Tout cela doit être transparent et documenté selon des critères objectifs.
Devront apparaître l'ancienneté de l'employé, sa formation, son expérience, sa valeur-ajoutée, le stress induit par ses tâches, etc...
Un organisme indépendant délivrera, le cas échéant, un certificat de conformité valable trois ans.
Une réforme à la charge de l'entreprise
Landsbankinn devra débourser l'équivalent de 120.000 euros pour se mettre en règle. Malgré la dépense, son responsable des Ressources humaines y est favorable.
"Si la loi ne nous y obligeait pas, je pense que nous continuerions à faire les choses telles que nous les faisons aujourd'hui et l'écart ne serait toujours pas comblé dans 10 ans", admet Baldur G. Jonsson.
Depuis neuf ans, l'Islande caracole en tête du classement du Forum économique mondial comme étant le "pays le plus paritaire du monde".
Et pourtant, l'écart de salaire entre hommes et femmes subsiste: 16,1% en 2016 selon l'Institut statistique national. Pile dans la moyenne européenne si l'on en croit les données d'Eurostat.
Pas moins de 1.180 sociétés islandaises et 147.000 salariés sont concernés par la réforme.
Celles qui ne respecteront pas la loi pourront se voir infliger une amende allant jusqu'à 400 euros par jour.
Les plus petites entreprises ont jusqu'au 31 décembre 2021 pour se conformer à la législation approuvée par le Parlement à près de 80% le 1er juin dernier.
Tous les ministères, administrations publiques et sociétés de plus de 250 salariés doivent en revanche l'avoir fait d'ici le 31 décembre.
Si l'initiative fait l'objet d'une curiosité souvent teintée d'envie à l'étranger, elle ne fait pas forcément l'unanimité en Islande, où l'égalité des salaires homme-femme existe - sur le papier - depuis 1961.
"Parfois, il faut une initiative juridique pour vraiment insuffler un élan si vous voulez faire des réformes dans ce domaine", justifie Thorsteinn Viglundsson, ancien ministre des Affaires sociales, à l'origine de la proposition de loi en mars 2017.
Le parti Pirate juge l'objectif louable mais la méthode trop lourde et coûteuse.
"Pour moi, cela ne règle pas le problème", analyse le député "pirate" Björn Gunnarsson qui a voté non. Paradoxalement, fait-il valoir, les entreprises disposent désormais de critères bien précis pour... justifier les écarts de salaire.
Brynhildur Omarsdottir, directrice générale de l'Association islandaise pour le droit des femmes, estime de son côté que si la loi "ne résout pas tout le problème (des inégalités hommes-femmes), elle en résout une partie et une partie cruciale".
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