"Nous allons forfaitiser ce délit (...) On veut tout de suite demander une somme. Il n'y a pas de dépénalisation de l'usage du cannabis (...) La forfaitisation n'éteint pas l'action pénale", a déclaré jeudi le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb sur Europe 1.
Selon son entourage, "il n'y a pas de systématisation" et les forces de l'ordre feront "une appréciation au cas par cas" des personnes arrêtées. Dans la pratique, les usagers écoperont soit d'une amende, "dont le montant reste à définir", soit de poursuites pénales si, par exemple, ils ont déjà eu une amende ou s'ils sont des trafiquants présumés.
Promesse de campagne d'Emmanuel Macron, la mesure ne concernera que les consommateurs du cannabis, dont le nombre, en augmentation constante en France, avoisine les 700.000 fumeurs quotidiens.
Un rapport parlementaire, présenté en commission des lois jeudi après avoir été reporté deux fois, préconise à l'origine deux solutions: une "amende forfaitaire délictuelle" comprise entre 150 et 200 euros assortie éventuellement de poursuites, et la simple contravention.
Le gouvernement a ainsi privilégié la première mesure, qui pourrait être mise en oeuvre via une loi, "peut-être" celle sur la réforme de la procédure pénale, a précisé le ministre de l'Intérieur.
L'amende forfaitaire avait également les faveurs des syndicats policiers, qui estimaient qu'une contravention "n'est ni plus ni moins qu'une dépénalisation", selon Alliance Police.
"Agenda politique"
"Les travaux n'ont servi qu'un agenda politique: celui du ministère de l'Intérieur", a ironisé le Syndicat de la magistrature dans un communiqué, dénonçant un projet qui "a exclu de fait la véritable réponse: la dépénalisation de l'usage et même, la légalisation des drogues dans un cadre contrôlé".
Selon le centre de réflexions classé à gauche Terra Nova, la légalisation du cannabis rapporterait environ 2 milliards d'euros en France.
Avec cette mesure, la France reste éloignée de ses voisins européens (Pays-Bas, Portugal, Espagne entre autres) ou d'Etats américains, dont la Californie, qui ont opté pour une dépénalisation de la consommation de cannabis.
"En 2018, est-ce qu'on peut avoir un débat différent de +pour ou contre la légalisation+?", interrogeait l'un des corapporteurs, le député Eric Poulliat du parti présidentiel LREM, balayant la question.
Pour les corapporteurs, dont le député de l'Essonne Robin Reda (LR), l'objectif de la réforme est avant tout de clarifier les sanctions (rappels à la loi, amendes et rarement des peines de prison), qui sont "peu lisibles et appliquées diversement sur le territoire".
Sur quelque 140.000 interpellations chaque année pour consommation de stupéfiants, seules 3.098 peines de prison ont été prononcées en 2015 (derniers chiffres publiés), dont 1.283 ferme, alors que la loi prévoit jusqu'à un an de prison et 3.750 euros d'amende.
L'enjeu de cette réforme est également de soulager les forces de l'ordre, qui passent "1,2 million d'heures" par an sur des procédures selon Gérard Collomb auditionné en juillet.
"On passait beaucoup de temps, les policiers, les juges, à faire de la procédure pour ensuite aboutir à des rappels à la loi, donc ça ne servait à rien (...)", a plaidé le président de l'Assemblée nationale François de Rugy sur BFMTV/RMC, saluant la mesure et promettant une "évaluation, au bout de deux ans".
Alors qu'un adolescent de 17 ans sur deux (48%) a déjà consommé du cannabis, un seul public reste toutefois exclu de cette mesure: les mineurs, qui bénéficient d'un régime juridique à part.
Selon Ivana Obradovic, directrice adjointe de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), "l'initiation au cannabis est vécue comme une expérience positive" par les jeunes. Une étude publiée mardi a ainsi révélé que les jeunes associent le tabac "à la mort" et l'herbe à "un produit bio".
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