Le problème est connu: dans la seule Ile-de-France, 40.000 personnes sont logées en famille à l'hôtel au titre de l'hébergement d'urgence, dont plus de la moitié, sans-papiers, espèrent une régularisation, souligne-t-on au Samusocial de Paris.
Parmi eux, un certain nombre sont ce que l'on appelle des "ni-ni" (ni régularisables, ni expulsables): déboutés de l'asile notamment, ils ne peuvent être renvoyés vers leur pays parce que celui-ci refuse de les reprendre, qu'ils ont des enfants nés en France, voire que la situation chez eux est trop instable...
Une situation coûteuse -- l'hébergement hôtelier coûte à l'Etat près de 250 millions d'euros par an, majoritairement pour des gens ayant des problèmes de droit au séjour, rappelle la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS).
Reçues à Matignon le 11 janvier, les associations sont montées au créneau sur le sujet, plaidant notamment pour "que les préfets aient des marges de manoeuvre plus souples pour régulariser", selon les termes de Patrick Doutreligne, le patron de l'Uniopss (Union nationale d'associations sanitaires et sociales).
Une partie de ces sans-papiers remplissent en effet les critères de la "circulaire Valls" de 2012 (cinq ans de présence sur le territoire, enfants scolarisés depuis trois ans...) permettant une régularisation.
La récente "circulaire Collomb" sur le recensement dans les centres d'hébergement d'urgence, qui a soulevé une vive polémique, le rappelle d'ailleurs: "Si la personne relevait d'un des motifs légaux d'admission au séjour (...), la délivrance rapide d'un titre de séjour devra être effectuée".
Dans les faits, c'est plus compliqué: "La plupart n'ont pas d'accompagnement social, ils sont perdus dans les démarches", explique Eric Pliez, le directeur du Samusocial de Paris, déplorant "le formalisme administratif faisant que la démarche capote s'il manque une pièce -- ce qui est fréquent pour des publics précaires".
Etrangers "tolérés"
De plus, "on ne sent pas de volonté politique pour régulariser", soupire le responsable du Samusocial. Au contraire même, pour Dominique Sopo de SOS Racisme, qui craint "que le signal de fermeté envoyé par l'Intérieur sur les expulsions n'incite pas les préfets à faire preuve de souplesse".
Aussi les associations plaident-elles, à défaut d'une régularisation en bonne et due forme, pour un "statut" spécifique dont bénéficieraient ces "ni-ni".
L'idée, explique M. Pliez, pourrait s'inspirer de ce qui se fait en Allemagne -- modèle revendiqué d'Emmanuel Macron en matière de politique migratoire -- avec le "Duldung", un statut intermédiaire des étrangers "tolérés" malgré un ordre d'expulsion.
Ce statut aménage une possibilité limitée de travailler, soumise au feu vert des pouvoirs publics. En revanche il n'y a pas d'accès aux droits sociaux.
Les associations veulent creuser ce sillon: "Cela pourrait concerner les personnes en France depuis au moins deux ans, hébergées, pour leur donner le droit de travailler et de se loger", avance Florent Gueguen de la FAS.
Ainsi s'amorcerait "une transition en douceur" vers le droit au séjour, fait-on valoir côté associatif. Mais du point de vue de l'exécutif on ne parlerait plus de régularisation, qui peut braquer une partie de l'électorat.
"Le gouvernement n'est pas insensible" au sujet, assure M. Gueguen, "même si (le Premier ministre) Edouard Philippe nous a répondu qu'il voulait d'abord éloigner, puis ensuite regarder la question de la régularisation".
Créer ce statut supposerait sans doute de changer la législation. "Le débat parlementaire autour de la loi asile et immigration au printemps sera l'occasion de lancer cette idée", promet M. Doutreligne.
La demande trouvera-t-elle des relais politiques, notamment au sein de la majorité où certains tiquent sur le volet coercitif de la loi? Mi-janvier, le député LREM Jean-Michel Clément a plaidé pour, sinon un "statut", du moins "un état de personnes qui sont accueillies dans l'attente d'une décision".
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