Star parmi les stars des fourneaux, bâtisseur d'un empire estimé à plus de 50 millions d'euros, Paul Bocuse, toujours prêt à poser avec sa veste et sa toque de cuisinier, était aussi le plus ancien des trois étoiles au monde, depuis 1965 sans discontinuer.
Ce qui n'empêche pas certains critiques de dire que son restaurant des bords de Saône n'était plus à la hauteur et certains guides de le classer dans la catégorie institution, à défaut de le noter.
Né le 11 février 1926 dans une famille de cuisiniers de père en fils à Collonges-au-Mont d'Or, près de Lyon, cet épicurien à l'énergie débordante, infatigable globe-trotteur, a consacré sa vie à la gastronomie.
Entré en apprentissage à 16 ans à Lyon -- enfant, il préférait la chasse et la braconne aux études --, il poursuit après la guerre sa formation chez Eugénie Brazier, première femme triplement étoilée en 1933, qui lui inculquera la rigueur. Puis chez Fernand Point, à Vienne (Isère), au début des années 1950, devenu son "maître à penser".
Il obtient sa première étoile au Michelin en 1958, puis une deuxième deux ans plus tard en transformant l'auberge familiale qui deviendra le temple de la gastronomie française. Meilleur Ouvrier de France en 1961, Bocuse décroche sa troisième étoile en 1965, consacrant sa fulgurante ascension.
Cuisinier du siècle
On afflue du monde entier pour déguster sa "poularde demi-deuil", son "gratin de queues d'écrevisses", ou sa "soupe VGE", un consommé à la truffe surmonté d'un dôme de pâte feuilletée, créé en 1975 pour la remise de sa Légion d'honneur à l'Elysée. Autant de classiques devenus des incontournables de la carte de son célèbre restaurant de Collonges-au-Mont-d'Or, à la façade verte et rose, où trône son portrait en trompe-l'oeil.
Dans "Paul Bocuse, le Feu sacré" (Ed. Glénat - 2005), "Monsieur Paul" se définissait comme "un adepte de la cuisine traditionnelle", qui "aime le beurre, la crème, le vin", et pas "les petits pois coupés en quatre".
"Oui, sûrement, ma cuisine est ringarde", admettait ce bon vivant qui se régalait de "plats simples" comme le pot-au-feu ou le boeuf bourguignon.
Elu "cuisinier du siècle" en 1989 par le guide Gault et Millau, puis sacré "chef du siècle" en 2011 par le prestigieux Culinary Institute of America (CIA), Bocuse aura ouvert de nouveaux horizons à la gastronomie française, érigeant son nom en marque.
Dès 1960, il laisse ses fourneaux pour voyager en Europe, au Japon, aux Etats-Unis. "J'étais un précurseur, ma curiosité m'a emmené un peu partout", disait-il.
Il en rapportait des recettes, déclinées dès 1994 dans ses brasseries lyonnaises: Le Nord, le Sud, l'Est, l'Ouest, l'Argenson ou l'Auberge de Fond Rose.
En janvier 2007, il ouvre sa première brasserie au Japon. Sept autres suivront. En février 2013, tout juste remis d'une hospitalisation, il inaugurait encore en super-star un restaurant à son nom, au nord de New-York.
Polygame assumé
Président de l'Institut Paul Bocuse d'Ecully (Rhône), qui forme aux métiers de l'Hôtellerie, de la Restauration et des Arts Culinaires, Bocuse aimait transmettre le "goût du travail bien fait".
Le concours international du "Bocuse d'Or", lancé en 1987, constitue un véritable tremplin pour de jeunes chefs.
Souffrant de la maladie de Parkinson et préparant sa succession, il avait ouvert en 2010 le capital de ses brasseries lyonnaises et placé des proches à des postes stratégiques en France et aux Etats-Unis.
"Je travaille comme si j'allais vivre 100 ans et je savoure la vie comme si chaque jour était le dernier", se plaisait à dire ce séducteur invétéré, qui arborait fièrement un coq tatoué sur son épaule par les Américains pendant la guerre.
Son incroyable appétit de vivre s'exprimait aussi dans la vie privée de ce polygame assumé: marié depuis 1946 à Raymonde, qui lui a donné une fille, Bocuse a également partagé sa vie pendant plus de 60 ans avec Raymone, la mère de son fils Jérôme, et pendant plus de 40 ans avec Patricia, qui gère sa communication.
"J'adore les femmes et nous vivons trop longtemps de nos jours pour passer une vie entière avec une seule", confiait-il en 2005 au Daily Telegraph.
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