Dans une vieille bâtisse en pierre, au lieu-dit "Les Fosses noires", à l'écart de la route principale traversant la zone, coexistent deux "boulangeries indépendantes", seulement séparées d'une porte. Le pain sorti de l'une est commercialisé dans les marchés et Amap (associations pour le maintien d'une agriculture paysanne), celui de l'autre fournil est distribué uniquement dans la ZAD et à prix libre.
Formé au maraîchage, Michaël, 30 ans, s'est tourné vers les céréales dans la ZAD, "du fait des terres disponibles", et a appris les rudiments de la boulange avec l'aide de paysans du canton.
"Squatteur" de la maison avoisinante, il a "fait le choix" il y a deux ans de déclarer son activité professionnelle. "Je ne pensais même pas que c'était possible, c'est saugrenu!", s'amuse le jeune homme, "chez (lui)" sur la ZAD depuis sept ans.
"Je suis inscrit à la MSA (la sécurité sociale agricole, ndlr), je paye mes cotisations", souligne-t-il. "J'aurais pu continuer à cultiver sans le déclarer, avoir une activité un peu informelle, mais c'est bien aussi d'avoir ici des projets plus visibles, plus palpables, une installation officielle, ça fait parler."
"Ici, il y a à la fois des activités dans les règles et hors les clous, et il nous faudra encore les deux pour le futur, c'est quelque chose pour lequel on va se battre", affirme Michaël, espérant que les futures négociations avec l'État sur le devenir des terres de la ZAD vont aboutir "en bonne intelligence" et qu'un cadre sera trouvé pour les projets informels.
Garder la maîtrise du foncier
"On souhaite qu'il puisse y avoir des gens qui s'installent dans des formes classiques et des formes un peu hors normes, avec le maintien notamment de la pratique du prix libre", renchérit un trentenaire se faisant appeler "Camille", en train de pétrir de la pâte dans la salle voisine.
"Les gens qui ont lutté ici contre l'aéroport doivent pouvoir choisir les formes de vie qui vont s'y développer. On portera ce message auprès de l'État", insiste ce titulaire d'un CAP boulangerie, qui travaille aux Fosses noires depuis 2013.
Une équipe de six boulangers bénévoles s'y relaie trois fois par semaine pour faire du pain, distribué les lundis et jeudis sur place, et chaque vendredi au "non marché", où la production céréalière, laitière et de légumes, s'y achète à prix libre.
Alors que va bientôt se jouer l'avenir agricole de la ZAD, "Camille" n'imagine pas la disparition de certaines activités. "On ne peut pas résumer cet avenir à un enjeu 100% agricole", souligne-t-il.
Le projet d'aéroport désormais enterré, les opposants entendent bien défendre, lors des futures discussions avec les autorités et les instances agricoles, leur volonté de garder la maîtrise du foncier et des installations sur les quelque 1.650 hectares de l'ex-ZAD.
Elle est portée dans une ligne collective en six points, dont l'un est que les occupants de la ZAD "puissent rester" s'ils le souhaitent, et que soient maintenus des projets agricoles et non agricoles, déclarés et non déclarés.
Le gouvernement a laissé aux occupants illégaux de la ZAD jusqu'au 30 mars, c'est-à-dire à l'expiration de la trêve hivernale, pour régulariser leur situation. "Ce sont des choses très simples: payer le gaz, l'électricité, le fermage le cas échéant... S'inscrire dans un cadre d'État de droit", a précisé la préfète de la région Pays de la Loire, Nicole Klein.
"Aujourd'hui, tout le monde, même les paysans historiques, est occupant illégal. Mais il y a plein de gens qui payent déjà des factures, cette maison a un contrat EDF", souligne "Camille". "Mais c'est clair qu'on négociera avec l'État".
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