"Probablement, les peuples autochtones amazoniens n'ont jamais été autant menacés sur leurs territoires", a estimé François, déplorant "les blessures profondes que portent en eux l'Amazonie et ses peuples".
Arrivé dans la matinée à Puerto Maldonado, ville du sud-est du Pérou entourée de jungle, le pape argentin s'est rendu directement au Colisée, bâtiment où l'attendaient avec impatience plusieurs milliers d'indigènes péruviens, brésiliens et boliviens.
Il a été accueilli par des chants et des danses de différentes tribus, portant tenues traditionnelles, couronnes de plumes et colliers de dents d'animaux pour certains.
Après avoir écouté les discours de plusieurs indigènes racontant les menaces pesant sur leurs terres, il a pris la parole.
Dénonçant tour à tour "la forte pression des grands intérêts économiques qui convoitent le pétrole, le gaz, le bois, l'or, les monocultures agro-industrielles", mais aussi la politique de protection de certains Etats qui "accaparent de grandes superficies de terre et en font un moyen de négociation", le pape a appelé à un dialogue entre les églises locales amazoniennes et les indigènes.
Il a fustigé "l'exploitation minière illégale" d'or, particulièrement forte dans la région de Madre de Dios, dont Puerto Maldonado est la capitale, et son effet pervers, "la traite de personnes: la main d'oeuvre esclave ou l'abus sexuel".
"La violence à l'encontre des adolescents et des femmes est un cri qui parvient au ciel", a-t-il lancé.
'Nous pouvons disparaître'
Menacés par l'exploitation des forêts et des ressources naturelles, les indigènes espéraient un message fort du pape François lors de cette rencontre inédite.
"Nous vous demandons de nous défendre", a lancé, à la tribune, une représentante du peuple Harakbut, Yesica Patiachi. "Si on nous enlève nos territoires, nous pouvons disparaître".
"J'ai 67 ans. Je me souviens que notre territoire était beau, avec des plantes et des poissons en abondance", a déclaré Luzmila Bermejo, du peuple Awajun. "Les groupes pétroliers, forestiers et miniers sont venus... tout cela nous a pollués et affaiblis. Ils ont agressé la forêt".
Les cadeaux des indigènes pour le pape symbolisaient cet appel au secours: un arc et une flèche pour les protéger, de la part de la communauté Ese Eja, ou un épervier empaillé, animal qui alerte des dangers, de la tribu Nueva Oceania - Boca Shipiwi.
"Pour la première fois de l'Histoire, nous sommes réunis" entre différents peuples d'Amazonie ayant fait le déplacement en bus, en avion ou en bateau à travers la jungle, se réjouit Javier Antonio Pisconte Injante, 50 ans, "ému de voir le pape pour la première fois".
Venu de la région de Cuzco, Javier Antonio a mis trois jours en bateau pour venir avec 140 membres de sa tribu écouter le souverain pontife.
"Nous sommes un seul peuple", a déclaré à l'AFP Angelton Arara, 33 ans, qui a voyagé en bus, pendant trois jours, depuis le Mato Grosso, dans le centre-ouest du Brésil.
Après cette rencontre, le pape devait s'exprimer sur une esplanade à l'extérieur du Colisée, où des milliers d'habitants patientaient depuis des heures malgré la chaleur écrasante. Un déjeuner en petit comité avec des leaders indigènes était ensuite prévu.
Synode en 2019
Pour François, cette rencontre constitue un puissant coup d'envoi aux préparatifs de l'assemblée mondiale des évêques (synode) d'octobre 2019, consacrée à l'Amazonie.
Dans son encyclique "Laudato si", son texte à tonalité très sociale sur l'écologie, le pape s'est attaqué à l'exploitation de la forêt amazonienne menée par "d'énormes intérêts économiques internationaux".
Vendredi, il devait d'ailleurs distribuer son encyclique, tout juste traduite dans plusieurs langues indigènes.
L'Eglise est consciente de l'histoire sanglante de l'évangélisation de l'Amérique latine au 16e siècle et reconnait qu'elle n'a pas toujours traité avec respect les peuples d'Amazonie.
Mais elle estime être aujourd'hui engagée dans de nombreux projets pour aider les peuples amazoniens à préserver leurs coutumes et leur identité.
L'ensemble de l'Amazonie représente 43% de la superficie de l'Amérique du Sud, 20% de l'eau douce non gelée de la planète, 34% des forêts primaires hébergeant entre 30 et 50% de la faune et la flore du monde.
Ce poumon vert se répartit sur neuf des douze pays de l'Amérique du Sud, notamment le Brésil (67%), la Bolivie (11%) et le Pérou (13%). Et près de trois millions d'indigènes y vivent, de 390 peuples différents.
A LIRE AUSSI.
Le pape pour la première fois en Amazonie à l'écoute des indigènes
Chili: dernière étape dans une ville de migrants pour le pape
Au Paraguay, les Indiens guayakis veulent un bout de terre
Amazonie: les tribus aiguisent leurs flèches contre les envahisseurs
La Bolivie veut sa place sur la carte de la gastronomie mondiale
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.