"Ca a commencé au printemps dernier. Il y a des contrôles en permanence. Les policiers me disent que je ne peux pas travailler ici. Je leur réponds que la prostitution n'est pas interdite", se lamente Lisa, transexuelle équatorienne de 37 ans, qui a passé les 15 dernières années à arpenter la départementale 33, la route qui traverse cette forêt située au sud de Paris.
Lisa affirme n'avoir jamais vu un tel "harcèlement" policier contre la petite dizaine de travailleuses du sexe sud-américaines que compte la forêt de Sénart, où officient également des prostituées d'Europe de l'Est.
"Ils me fouillent et ils me demandent mes papiers à chaque fois, même s'ils me connaissent depuis longtemps", lance-t-elle dans un espagnol saupoudré de mots français.
"On est traquées comme des délinquants", résume Maria, une compatriote qui, comme Lisa, réside légalement en France et travaille "en indépendante", sans proxénète. "Je prends des somnifères pour dormir. Et quand je viens travailler, je me sens traumatisée", dit-elle.
"On veut seulement travailler en paix", s'insurge Lisa, dont la tenue -- jeans, doudoune et joues fardées -- n'a rien d'aguicheur.
Si le racolage n'est plus verbalisé depuis l'adoption de la loi prostitution en 2016, les clients sont en revanche passibles d'une amende de 1 500 euros, qui peut grimper à 3 750 euros en cas de récidive. Interrogé par l'AFP, le ministère de l'Intérieur a indiqué que 2 044 clients de prostituées avaient été verbalisés dans toute la France au 1er décembre 2017.
En forêt de Sénart, l'effet a été immédiat. Les clients "ont peur", lâche Lisa. Et ceux qui tentent le coup "partent en courant quand la police ou la BAC (brigade anticriminalité, ndlr) arrive".
"Beaucoup de clients abusent de la situation", souffle Maria. "Ils veulent des rapports sans préservatif ou moins nous payer parce qu'ils devront payer beaucoup d'argent s'ils se font prendre".
Pour se faire entendre, Maria, Lisa et d'autres Sud-Américaines ont adhéré au Syndicat des travailleurs du sexe (Strass) qui s'est ému de leur sort auprès de la préfecture de l'Essonne, de l'Inspection générale de la police nationale et a saisi le Défenseur des droits.
'Clients des prostituées, vous êtes filmés'
La pression policière dont se plaignent ces prostituées est allée de pair avec un mouvement de grogne des élus des communes riveraines de la forêt de Sénart, qui est allé crescendo ces derniers mois.
"Les riverains sont excédés. La prostitution se pratique parfois à la vue de tous,", explique à l'AFP Christine Garnier, maire (LR) de Quincy-sous-Sénart (Essonne). "Sans parler de la dégradation de l'environnement. Les abords de nos villes ressemblent à des dépotoirs avec tous les sacs plastique laissés par les prostituées".
Au printemps dernier, l'édile et les maires de communes avoisinantes ont écrit au ministère de l'Intérieur pour savoir quelles mesures il comptait prendre pour lutter contre le phénomène.
Depuis, "des opérations de police ponctuelles ont eu lieu", souligne Mme Garnier, tout en réclamant un plan d'action à plus long terme.
Jean-François Papineau, chef de la Direction départementale de la sécurité publique de l'Essonne, admet que les élus sont "extrêmement remontés", mais il assure que "l'action de la police n'est pas liée" à leur pression. "Il n'y a eu aucune intensification des contrôles", assure-t-il à l'AFP.
La mairie de Tigery, ville voisine de Quincy-sous-Sénart, a pris les choses en main. L'automne dernier, elle a fait installer une caméra qui enregistre les faits et gestes des clients de prostituées à un carrefour en bordure de forêt. "Clients des prostituées, ici vous êtes filmés", prévient un panneau vissé sous la caméra.
A LIRE AUSSI.
La prostitution, nouveau trafic des délinquants de cités
Procès Merah: verdict attendu jeudi face à deux versions opposées
Aux Philippines, la misère à perpétuité des veuves de la drogue
La guerre des drones des Etats-Unis dénoncée dans un documentaire
Poutine ironise sur l'espionnage de Trump et les prostituées russes
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.