L'UNRWA, l'agence de l'ONU impactée, a indiqué mercredi faire face à sa "plus grave crise financière" depuis sa création il y a près de 70 ans.
Cet organisme onusien, établi en 1949, apporte son aide à une grande partie des plus de cinq millions de Palestiniens enregistrés comme réfugiés dans les Territoires, en Jordanie, au Liban ou en Syrie, survivants ou descendants des centaines de milliers de Palestiniens jetés sur les routes lors de la première guerre israélo-arabe en 1948.
Le département d'Etat américain a annoncé mardi retenir jusqu'à nouvel ordre le versement de 65 millions de dollars à l'UNRWA, sur les 125 millions de contribution volontaire américaine prévus.
L'administration Trump livre depuis des mois à l'ONU un bras de fer sur une bonne utilisation des contributions américaines. Elle réclame à ce titre une révision "en profondeur" du fonctionnement et du financement de l'UNRWA, dont elle a été de loin le principal bailleur de fonds en 2017, à hauteur de 350 millions de dollars.
Les Américains s'en prennent par ailleurs à l'UNRWA dans une période de grave détérioration des relations avec l'Autorité palestinienne: les dirigeants palestiniens ont dénoncé cette nouvelle mesure comme une concession supplémentaire aux Israéliens et une nouvelle hypothèque imposée en leur faveur sur un règlement de plus en plus incertain du conflit.
'Paiements massifs'
La question des réfugiés est l'une des plus épineuses en vue d'un tel règlement, les Palestiniens clamant leur droit au retour, ce qu'excluent les Israéliens.
Après une succession de camouflets, la direction palestinienne a gelé les contacts avec les officiels américains, alors que la Maison Blanche est supposée présenter à une échéance indéterminée un plan censé réaliser l'ambition de Donald Trump de présider à l'accord diplomatique "ultime".
M. Trump avait indigné les Palestiniens en tweetant le 2 janvier que les Etats-Unis leur versaient "DES CENTAINES DE MILLIONS DE DOLLARS par an sans obtenir reconnaissance ou respect". Pourquoi les Etats-Unis devraient-ils poursuivre leurs "paiements massifs" alors que les Palestiniens refusent de négocier?, avait-il demandé.
L'administration a contesté se servir de l'UNRWA pour faire pression sur le président palestinien Mahmoud Abbas.
Les 65 millions sont gelés à ce stade, ils n'ont pas été annulés", a assuré la porte-parole du département d'Etat, Heather Nauert.
La seconde tranche sera débloquée quand des réformes auront été engagées pour que l'argent soit "mieux dépensé", a-t-elle dit.
Les 125 millions de dollars en question sont supposés constituer le premier versement américain de l'année. Mais l'UNRWA elle-même a reconnu ne pas savoir ce qui l'attendait.
"Il n'y a pour l'instant aucune autre indication de financement possible" que les informations fournies par le département d'Etat, a dit à l'AFP Chris Gunness, le porte-parole de l'UNRWA, joint par téléphone.
Un narratif 'perpétué'
"La réduction drastique de cette contribution a pour effet la plus grave crise financière dans l'histoire de l'agence", a-t-il dit.
Le chef de l'agence onusienne, Pierre Krahenbuhl, a exprimé son inquiétude et appelé à l'aide les autres membres de l'ONU.
"Ce qui est en jeu, c'est l'accès de 525.000 garçons et filles à 700 écoles de l'UNRWA", ainsi que toutes les formes d'aide d'urgence octroyée à des millions de personnes, et leur accès aux soins, s'est-il ému.
Il a évoqué le respect de la "dignité" de ces réfugiés, mais aussi le risque sécuritaire potentiel de la décision américaine dans une région déjà en proie à la violence et à la radicalisation.
Hanane Achraoui, haute dirigeante de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), a dénoncé la "cruauté" affichée à l'égard d'une "population innocente et vulnérable".
Environ 500 personnes ont manifesté contre la décision américaine dans la bande de Gaza, territoire sous blocus qui a connu trois guerres avec Israël depuis 2008 et où plus des deux tiers de la population dépendent de l'assistance étrangère.
Ahmed Majdalani, un des dirigeants de l'OLP, a accusé l'administration Trump de tenter d'écarter la question des réfugiés de discussions en vue d'un hypothétique règlement du conflit, comme elle a cherché à le faire avec le statut de Jérusalem en reconnaissant cette dernière comme capitale d'Israël.
Le Premier ministre israélien a lui applaudi à ce nouveau coup d'éclat américain.
L'UNRWA "perpétue depuis 70 ans la situation des réfugiés palestiniens et le narratif en faveur de la disparition du sionisme", a-t-il déclaré en Inde selon les médias israéliens. "C'est la première fois que tout cela est remis en cause", a-t-il ajouté.
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