Après la mort en 1980 de Josip Broz Tito, il avait entamé son déclin dans le port de Rijeka (Fiume en italien) pendant que la fédération yougoslave se délitait puis explosait dans une série de conflits sanglants.
En 2009, la municipalité a acheté aux enchères ce bateau de 117 mètres, qui avait été saisi en raison des dettes de son propriétaire grec.
L'objectif est désormais d'en faire un musée et une attraction phare en 2020 quand ce port de l'Adriatique sera capitale européenne de la culture, explique à l'AFP le maire social-démocrate, Vojko Obersnel.
Un tel projet est porteur de polémiques dans une Croatie où les conservateurs sont au pouvoir et où Tito, dépeint comme anti-Croate, est beaucoup plus controversé que dans d'autres anciennes composantes de la Yougoslavie.
Si son rôle dans la lutte contre les nazis ne fait pas de doute, ses détracteurs dénoncent sa dictature et le culte de la personnalité qu'il a instaurés. En septembre, sous pression des nationalistes, Zagreb a débaptisé sa place Tito, l'une des principales de la capitale.
"L'idée avec ce bateau n'est pas de chanter sans réserve les louanges de Tito" mais de raconter "l'histoire de la Yougoslavie et de la Croatie", assure Vojko Obersnel.
Le "Galeb" ("La mouette" en croate et en serbe), est sorti en 1938 des chantiers navals de Gênes. Son premier objet était le transport de bananes. D'abord baptisé "Ramb III", il est toutefois enrôlé dans l'effort de guerre par les Italiens. Torpillé par les Britanniques en 1941, il est renfloué, saisi par les nazis et de nouveau coulé quand Rijeka est bombardé par les Alliés en 1944.
Un yacht communiste sur la Tamise
De nouveau réparé, il devient le bateau officiel de Tito après la guerre. C'est à son bord que le leader yougoslave remonte en 1953 la Tamise jusqu'à Londres pour y rencontrer Winston Churchill, première visite officielle en Grande-Bretagne d'un chef d'Etat communiste.
C'est aussi sur le "Galeb" que furent organisées "les discussions les plus importantes" précédant la naissance du mouvement des non-alignés (MNA), dit Kristina Pavec, conservatrice du musée municipal de Rijeka, qui supervise le projet. Ce forum politique, dont Tito fut un des initiateurs avec Nehru (Inde), Soekarno (Indonésie), Nasser (Egypte) et Nkrumah (Ghana), avait été créé en 1961 par des pays souhaitant sortir de l'affrontement des blocs Est-Ouest de la Guerre froide.
Le passé glorieux du "Galeb" tranche avec ce qu'est devenu le yacht, ses chaises désuettes et poussiéreuses dispersées dans le salon d'honneur, son seau posé dans une coursive pour recueillir les gouttes qui suintent et ses plafonds qui menacent ruine.
Les appartements réservés à Tito et à son épouse Jovanka sont les parties les mieux préservées du navire. "Le mobilier est d'origine (...), afin de présenter de manière aussi authentique que possible ce qu'était leur vie sur le bateau", dit Kristina Pavec.
Fiume
La ville a prévu un budget de 40 millions de kunas (5,4 millions d'euros), financé grâce à des fonds culturels européens, afin de faire du "Galeb" un musée flottant sur l'histoire yougoslave, doublé d'un hôtel ou d'un restaurant.
Autrefois port industriel prospère, Rijeka, la troisième plus grande ville de Croatie, est en crise, avec un tissu économique ravagé par le processus de privatisation et une mauvaise gestion après la guerre d'indépendance des années 1990.
Aux commandes depuis 2000 de cette municipalité de 130.000 habitants traditionnellement à gauche, Vojko Obersnel espère faire du projet "Galeb" un élément central de ce qu'il appelle sa "transition post-industrielle", qui inclut une revitalisation de la cité avec des attractions culturelles et touristiques.
Depuis le XXe siècle, au gré des conflits et des bouleversements géopolitiques, Rijeka, a été sous la tutelle de six Etats différents -- de l'empire austro-hongrois à l'égide italienne et à l'occupation nazie, jusqu'à la république yougoslave et à la Croatie.
Tito fut le héraut de la Yougoslavie, qu'il dirigea de l'après-guerre jusqu'à sa mort, et de l'union des Slaves du Sud. Et "c'est grâce à Tito que Rijeka est finalement devenue croate", dit Biljana Perincic, une créatrice de bijoux de 43 ans, après la Deuxième Guerre mondiale et deux décennies de tutelle italienne.
"Mais je ne sais pas si les plus jeunes en savent suffisamment sur Tito pour se forger une opinion pertinente."
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