De retour de sa livraison matinale hebdomadaire aux boulangers du coin, Maarten Dolman lance la production du jour: jusqu'à une tonne de farine. Les majestueuses ailes de 26 mètres de diamètre font leur travail.
"Je vis du vent", résume ce meunier de père en fils. "C'est mon moteur depuis trente ans. Un moulin qui bouge, qui donne un peu d'énergie, de satisfaction", confie-t-il.
En décembre, l'Unesco a inscrit le savoir-faire des meuniers néerlandais liés à l'exploitation des moulins à vent et à eau a été inscrit au Patrimoine culturel immatériel de l'humanité.
Une grande fierté pour Maarten Dolman, dont les sabots en bois retentissent sur les marches enfarinées des quatre escaliers raides qui s'élèvent dans son moulin, le "Windotter" à Ijsselstein, une ville de 35.000 habitants de la province d'Utrecht (centre des Pays-Bas).
Casquette et combinaison de travail blanchies, petites lunettes rondes, farine jusque sous les ongles: M. Dolman, 56 ans, est le meunier typique des livres pour enfants.
L'un des rares, également. La plupart des meules des 1.200 moulins à vent et à eau encore en activité aux Pays-Bas ne sont qu'occasionnellement entretenues par des bénévoles, et seule une quarantaine de personnes vit encore de ce métier dans le pays.
Un artisanat désormais protégé
Faire partie du patrimoine immatériel de l'humanité "signifie beaucoup", se réjouit Maarten Dolman, qui préside la Guilde des artisans-meuniers.
Il a personnellement milité pour cette reconnaissance par l'Unesco, dont l'annonce avait été accueillie avec fierté aux Pays-Bas.
"Notre métier est désormais protégé. C'est très important pour que la génération prochaine puisse conserver et apprendre le métier", explique-t-il en préparant la commande d'une crêperie du coin.
L'Unesco a estimé qu'"avec un nombre décroissant de personnes qui vivent de leur artisanat, les meuniers néerlandais jouent un rôle clé dans la transmission de l'histoire culturelle de la pratique".
Maarten Dolman dit être lui-même "né dans la farine" ou "tombé dedans petit".
Aujourd'hui, l'un de ses deux fils s'apprête à suivre ses pas.
Dans l'ombre du Kinderdijk
Le bruit rythmique et l'ombre des ailes du "Windotter", projetée sur les habitations voisines, rompent la monotonie de la ville dont le moulin est une pierre angulaire. A l'intérieur, le temps semble figé.
Un vieux téléphone accroché au mur, d'anciens outils, des cahiers de comptes d'un autre siècle, le tout blanchi par la farine. Un décor bien loin des moulins pimpants du Kinderdijk, une attraction touristique unique sur la côte ouest néerlandaise, déjà inscrite depuis 1997 sur la liste du patrimoine mondial.
Caractéristique du paysage hollandais, le moulin à galerie de M. Dolman est, avec son tronc en brique et ses cinq étages, l'un des plus grands moulins à vent servant à moudre le grain aux Pays-Bas - par opposition aux moulins à vent utilisés pour drainer les polders, à ceux qui servaient à scier du bois, etc.
Construit en 1732, le "Windotter" a été entièrement restauré en 1987. Depuis, il tourne à plein régime, cinq jours par semaine. Les paquets de farine se vendent comme des petits pains dans le magasin érigé à son pied: blanche ou complète, seigle, orge, avoine, épeautre, maïs, sarrasin...
"Les habitants du coin mais également des gens de plus loin viennent chercher de la farine pour faire du pain ou des crêpes, parfois à bicyclette par un temps de chien", raconte une vendeuse, qui compte parmi la dizaine de bénévoles se relayant à la caisse de la boutique du meunier.
Sauvegarde d'une valeur iconique
"Les moulins, et donc l'artisanat du meunier, jouent un rôle social et culturel important dans la société néerlandaise et ont une valeur iconique", souligne l'Unesco, qui s'engage à financer des activités de sauvegarde du métier (formation, soutien et renforcement des capacités, activités éducatives dans les écoles, stages).
Traditionnellement, l'artisanat de meunier était transmis de maître à apprenti. "Je suis encore d'une génération qui a appris le métier de vieux artisans qui possédaient leur moulin de père en fils", raconte Maarten Dolman.
"Maintenant, pour que le métier subsiste, nous devons également le transmettre aux plus jeunes qui, souvent, ne sont pas du tout issus du milieu", conclut-il.
Depuis 1972 et la création de la Guilde des meuniers volontaires qui dispense la formation au métier, près de 2.000 bénévoles ont été diplômés. Chacun fait tourner un moulin une fois par semaine, pour entretenir l'emblème du paysage néerlandais.
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