L'alliance de principe conclue vendredi par son camp conservateur et les sociaux-démocrates du SPD à l'issue de cinq jours de tractations ouvre la voie vers la fin mars à la constitution de ce que le pays nomme une "grande coalition", entre les deux plus importants partis du pays.
"En fait de grande coalition, c'est une mini-coalition car ils ne représentent que 53% des électeurs" suite au scrutin législatif, relève le politologue allemand Karl-Rudolf Korte sur la chaîne ZDF. Une courte majorité.
Dans la précédente chambre des députés, les démocrates-chrétiens de la CDU d'Angela Merkel, leur allié bavarois CSU, ainsi que le SPD représentaient encore les deux-tiers des sièges.
Mais en septembre, les partis traditionnels ont été punis. La chancelière a certes remporté l'élection mais avec un des pires score depuis la guerre pour son mouvement (33%), tandis que le SPD chutait à 20,5%.
En cause: l'irruption de l'extrême droite avec près de 13% et le retour au Parlement du parti libéral sur un programme à droite toute.
Perdants
La SPD avait du reste à l'origine pris acte de la "sanction" des électeurs contre la précédente "grande coalition" (2013-2017) en proclamant vouloir une cure d'opposition. Avant de se résoudre à une volte-face devant l'impossibilité de former un gouvernement dans le pays.
Et les sympathisants socio-démocrates restent très circonspects, selon un sondage dévoilé samedi par l'hebdomadaire Der Spiegel: seuls 41,9% approuvent le nouvel accord avec les conservateurs. Plus largement, la future alliance rouge-noire n'enthousiasme que 35,8% des sondés, contre 49,7% qui la jugent "négative ou très négative".
L'opposition du coup s'en donne à coeur joie. "Les perdants de l'élection ont décidé de se retrouver", commente un des dirigeants de la gauche radicale, Dietmar Bartsch.
Conservateurs et sociaux-démocrates, censés présenter des offres politiques concurrentes, ont déjà gouverné ensemble au cours de huit des douze dernières années. Ils s'apprêtent à en ajouter quatre de plus, avec le risque de favoriser un peu plus l'extrême droite de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD).
Une poursuite de cette alliance "va faire cadeau à l'AfD de nouveaux succès dans les élections régionales à venir" en permettant au parti de faire campagne sur le thème "blanc bonnet et bonnet blanc", met en garde samedi le politologue Werner Patzelt, dans le quotidien Handelsblatt.
Les trois présidents de partis qui ont négocié l'accord vendredi sont en outre tous affaiblis en interne.
Zénith dépassé ?
Celui du SPD Martin Schulz est en sursis depuis sa débâcle aux législatives. Celui de la CSU bavaroise, Horst Seehofer, lui aussi appelé à un portefeuille ministériel à Berlin, vient d'être marginalisé dans son parti par une fronde d'opposants inquiets de la poussée de l'AfD.
Quant à la chancelière, même si aucun prétendant sérieux à sa succession ne s'est encore mis en avant, le débat en interne sur l'après-Merkel a commencé. Nombre de cadres de son mouvement appellent à un "rajeunissement" de la direction.
L'économie allemande est en pleine forme mais politiquement la chancelière a perdu des points après la crise des réfugiés. Et le vide gouvernemental en Allemagne depuis septembre ne l'a pas aidée.
Durant cette période, le chef de l'Etat français Emmanuel Macron a au contraire occupé l'espace sur le plan européen et international avec plusieurs initiatives diplomatiques remarquées.
"En matière d'initiatives politiques sur l'Europe, la France mène actuellement 10 à 0, nous ne devrions pas laisser le score en l'état", regrettait récemment le chef de la diplomatie allemande Sigmar Gabriel.
"Si l'on observe sa popularité (en baisse, ndlr) et son aura dans l'opinion, on voit qu'Angela Merkel a dépassé son zénith", estime le professeur de sciences politiques Oskar Niedermayer.
Pourra-t-elle dans ces conditions aller au terme de son nouveau mandat de quatre ans? "Dans l'intérêt électoral de son parti, elle ne devrait pas", ajoute le politologue, en pariant sur un départ anticipé au bout de deux ans.
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