S'appuyant sur de nouveaux rapports de militants infiltrés entre 2012 et 2016 dans les usines du groupe électronique, les ONG Peuples solidaires et Sherpa dénoncent "l'emploi d'enfants de moins de seize ans, des horaires de travail abusifs, l'absence d'équipements appropriés aux risques encourus, des conditions de travail et d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine", selon leur communiqué.
Les associations mettent aussi en avant "l'utilisation de benzène et de méthanol dans les usines", qui "aurait causé des maladies incurables chez plusieurs employés".
Sherpa et Peuples solidaires annoncent donc qu'elles déposeront ce jeudi ces nouveaux éléments au parquet de Paris, à l'appui d'une plainte pour pratiques commerciales trompeuses qui vise Samsung Monde, la maison mère, et sa filiale Samsung Electronics France (SEF).
Dans un communiqué, le géant coréen a assuré respecter "scrupuleusement les normes et réglementations locales et internationales en matière de travail" et appliquer "une politique de tolérance zéro" vis-à-vis du travail des enfants.
Une première plainte, visant uniquement SEF, avait été classée sans suite en 2014 à Bobigny (Seine-Saint-Denis). Sherpa avait du coup choisi de citer l'entreprise directement devant ce tribunal correctionnel, mais y a finalement renoncé en 2017 pour des raisons de procédure, selon un porte-parole.
Dans leur plainte de 40 pages, consultée par l'AFP, Sherpa et Peuples solidaires accusent Samsung de contredire ses engagements éthiques et son propre code de conduite, alors que le groupe sud-coréen présente sur ses sites internet son ambition de "devenir l'une des entreprises les plus éthiques au monde".
Des contradictions qui constituent, selon les associations, des "pratiques commerciales trompeuses" pour les consommateurs français du leader de la téléphonie mobile, et qui légitimeraient donc une procédure pénale en France.
"Nous demandons à la justice de sanctionner cet écart inacceptable entre ces engagements éthiques et la réalité dans les usines telle que décrite par les ONG de terrain", écrivent les associations.
72 heures par semaine
"Alors que les multinationales utilisent notamment ces engagements éthiques pour maintenir leur compétitivité, les ouvriers et consommateurs sont démunis face au non-respect de ces engagements. La reconnaissance du délit de pratiques commerciales trompeuses permettrait de rétablir ce rapport de force déséquilibré", selon elles.
Les éléments nouveaux justifiant cette plainte sont tirés "de nouveaux rapports d'enquêtes très documentés de l'ONG China Labor Watch (CLW) qui s'est infiltrée dans les usines" de filiales du groupe et de ses fournisseurs, principalement dans la région de Tianjin, près de Pékin, affirment les associations.
Les accusations s'appuient sur des témoignages, des photos et des vidéos réunis par CLW entre 2012 et 2016. L'ONG affirme ainsi que dans ces usines "les employés travaillent en moyenne 72 heures par semaine", parfois plus en période de forte activité. Au mépris de la loi chinoise limitant à 44 heures le temps de travail hebdomadaire.
"Dix enfants de moins de 16 ans, dont trois jeunes filles, travaillaient dans les usines" de certains fournisseurs de Samsung en 2012, selon CLW. Entre cinq et dix enfants en dessous de l'âge légal étaient encore identifiés lors de plusieurs visites des enquêteurs en 2014 dans une autre usine.
Les enquêteurs documentent encore la présence de benzène, un produit toxique à l'origine de cancers et de leucémie, dans les modes de production. Dans les usines, le benzène est utilisé comme agent nettoyant et comme enduit pour des composants électroniques.
"Cette procédure s'inscrit dans notre lutte de longue date contre l'impunité des multinationales", ont expliqué Sherpa et Peuples solidaires.
Les deux associations plaident pour "que les négociations onusiennes aboutissent à un traité contraignant les multinationales au respect des droits humains sur toute leur chaîne de production" et réclament l'appui de la France à ce processus.
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