"Avant de parler de débouchés, il s'agit simplement de planter quelques petites graines", résume à l'AFP Antoine Gallimard, président des éditions éponymes, rencontré à la Foire internationale du livre de New Delhi qui se tient jusqu'à dimanche.
Traditionnellement chasse gardée des poids lourds du monde de l'édition anglophone, le géant démographique d'Asie du Sud offre en effet des perspectives alléchantes pour le livre.
Estimé à 6,76 milliards de dollars en 2016, le secteur est tiré par le nombre croissant d'Indiens sachant lire et écrire. D'environ 70% de la population en 2011, cette part devrait passer à 90% d'ici 2020 selon l'institut Nielsen.
Davantage un sous-continent qu'un pays, l'Inde est composée d'une diversité culturelle et linguistique vertigineuse, au point qu'aucune langue n'est partagée par tous ses citoyens. Ce qui, pour les éditeurs, multiplie les portes d'entrées en fonction des régions.
"L'Inde présente des caractéristiques assez uniques, c'est un territoire mais une vingtaine de marchés du livre différents", explique Judith Oriol, responsable des droits étrangers chez Gallimard. "Il y a le marché de langue anglaise, il y a aussi le marché de langue en hindi, en malayalam, en tamoul..."
Les droits mondiaux anglais des ouvrages français étant généralement détenus par des éditeurs britanniques ou américains, les maisons françaises se frottent aux langues vernaculaires, parlées par des dizaines voire des centaines de millions de personnes.
Gallimard a ainsi récemment accompagné la sortie en hindi chez l'éditeur Rajpal & Sons de deux romans du prix Nobel Patrick Modiano et un de David Foenkinos.
"À chaque fois c'est une émotion de voir la couverture, de voir la langue, de voir une typographie... Ça me paraît un peu surréel d'ailleurs", témoigne auprès de l'AFP ce dernier, venu à Delhi promouvoir la version indienne de "La délicatesse" (paru en français en 2009).
Du français au... malayalam
Malgré le 1,25 milliard d'habitants, les volumes de ces ouvrages restent extrêmement modestes: les meilleurs tirages ne dépassent pas les 3-4.000 exemplaires. Nation lointaine et mal connue en France, environnement d'affaires notoirement compliqué, l'Inde peut effrayer.
À l'heure actuelle, seule "une petite centaine" de titres français (fiction et non-fiction) y sont publiés chaque année, selon Nicolas Roche, directeur général du Bureau international de l'édition française.
Des textes de Grasset, Stock ou L'Association ont ainsi récemment trouvé preneurs, dit-il, des traductions plutôt au "coup par coup" que fruits d'une "politique de développement".
Dans un monde de l'édition indienne écrasé par les manuels scolaires, qui représentent 70% du marché, les acteurs locaux estiment cependant que le créneau de la littérature étrangère non-anglophone est appelé à se développer.
"Des gens viennent nous voir pour demander quand sort le prochain Modiano" en hindi, relate Pranav Johri de la maison Rajpal & Sons. "Un titre seul ne fait pas la différence, vous devez publier en série. Une fois que vous avez un éventail (d'un même auteur) en place, alors cela commence à avoir un impact."
Tous les interlocuteurs français s'en font l'écho: l'un des débouchés les plus porteurs en Inde est non pas le hindi - pourtant parlé par 40% des Indiens - mais le... malayalam, langue du petit État du Kerala (sud). Une singularité qui s'explique par le haut niveau d'éducation et la forte culture politique de cette région traditionnellement communiste.
Manque de moyens des éditeurs locaux, faiblesse du réseau de distribution, difficulté à trouver des traducteurs: dans l'édition comme ailleurs, l'Inde reste pour l'heure encore loin de l'eldorado parfois fantasmé - mais avec un potentiel indéniable.
"En ce qui me concerne en tant qu'écrivain, je ne vais pas écrire mon prochain livre en me disant, waouh, j'ai peut-être le marché indien qui frémit!", lance l'auteur David Foenkinos avec un sourire.
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