Le monument aux courbes gracieuses achevé en septembre a été érigé sur le mont Herzl, point culminant de Jérusalem et cimetière national où Israël honore les millions de morts de l'Holocauste, les victimes des attentats et les anciens dirigeants du pays. Il se veut à la fois un lieu de recueillement pour les proches, un espace éducatif pour le grand public et un geste architectural discret.
Reflet d'une évolution dans la façon dont Israël commémore ceux qui sont tombés à son service, il figure sur la liste des 62 projets candidats au prestigieux prix international 2018 du Royal Institute of British Architecture récompensant conception visionnaire et innovante, excellence d'exécution et impact social remarquable.
A l'est du cimetière national, la montagne a été excavée pour faire place à un vaste hall surmonté d'un élégant cône asymétrique et ajouré en briques blanches s'ouvrant sur le ciel à une vingtaine de mètres de hauteur.
Le visiteur accède au hall par une pente à degrés large et douce semblant conduire à l'intérieur de la montagne. Il laisse à gauche une installation vidéo de l'artiste Michal Rovner qui juxtapose des groupes de soldats de différentes périodes de l'histoire du pays, se déplaçant dans un paysage partagé avant de disparaître.
Béton et lumière
Puis le visiteur atteint le hall à proprement parler. Autour d'une sorte de chœur éclairé par l'ouverture du cône, une rampe s'enroule. A la main droite du visiteur, un mur de briques blanches de 250 mètres de long.
Plus de 23.000 de ces briques portent, gravés, les noms d'autant d'hommes et de femmes et la date de leur mort au service de l'armée, de la police, des services d'espionnage ou de la surveillance des prisons.
"La pierre, le béton et la lumière sont les seuls matériaux utilisés", explique Eithan Kimmel, l'architecte. "Cet endroit dit des choses fortes à sa manière, avec tranquillité".
Le premier des noms au passage du visiteur est celui de Dimitri Odod, mort le 10 décembre 2017. La liste prend fin au bout de la montée avec celui d'Aaron Herscheld, un vigile juif tué à Jérusalem le 5 janvier 1873 dans un différend avec les Palestiniens au sujet du partage de l'eau, des décennies avant la création de l'Etat d'Israël.
Le mouvement crée une "remontée dans le temps", explique Yaïr Ben Shalom, directeur du site au ministère de la Défense, à l'origine du monument.
A cet égard, le monument, le premier à rendre hommage en un même lieu à tous les membres des forces de sécurité, est "un livre ouvert sur l'histoire du sionisme".
L'histoire d'Israël, avant même sa création en 1948, est jalonnée par les violences et les guerres, la dernière remontant à 2014 dans la bande de Gaza.
Le conflit reste une perspective constante et le service militaire est obligatoire pour garçons et filles.
'Peuple de nomades'
Chaque ville commémore ses morts, les enfants apprennent à l'école l'histoire de ceux qui ont sacrifié leur vie pour l'Etat et la journée annuelle du souvenir occupe une place particulière dans le calendrier.
Mais un aspect de plus en plus personnel du souvenir se substitue désormais à la dimension collective, autrefois prééminente, et le monument, fruit de dix ans de planification et de travaux avant son ouverture au public en octobre, traduit cette évolution, dit M. Ben Shalom.
Pour M. Kimmel, du cabinet d'architecture Kimmel-Eshkolot, inscrire les noms des disparus sur la brique "est une manière douce de raconter leur histoire".
Sur le côté de chaque brique, une petite lampe peut être allumée à la date anniversaire de la disparition, conformément à la tradition juive qui veut qu'on allume une bougie à cette occasion.
Dans la partie haute de la rampe, près de la sortie, 12 bornes équipées d'un écran montrent les photos et les détails de la vie des hommes et des femmes tués le même jour au cours de l'histoire.
M. Kimmel souligne combien le monument, dans la recherche de l'équilibre entre l'intime et le collectif, cherche à prendre en compte une histoire dans laquelle les juifs ont constitué un "peuple de nomades" et Israël ne s'est pas signalé comme "une nation de monuments".
Une mère qui avait perdu son enfant est venue le voir après avoir découvert le site, raconte-t-il. Elle a dit: "Je peux mourir en paix, maintenant que mon fils a un lieu où on se souvient de lui".
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