Et depuis la corniche qui borde le Tigre, les murs percés des hôtels ne proposent plus qu'une vue sur d'énormes tas de gravats.
Passée l'euphorie qui a suivi la fin de trois ans d'occupation jihadiste en juillet, les rares habitants qui s'aventurent dans les ruelles défoncées et jonchées de débris de la Vieille ville vivent dans le dénuement et l'inquiétude de l'avenir.
Le coeur plusieurs fois centenaire de la cité a été réduit à néant par de longs mois de guérilla urbaine, par le pilonnage des avions de la coalition internationale soutenant les forces irakiennes et par le feu des obus des jihadistes.
Fauchés par un raid aérien, le père et le mari d'Asma Mohammed ont été enterrés dans un cimetière improvisé. Cette femme jure qu'il s'agissait d'une bavure qui a emporté des civils sans toucher les jihadistes occupant les maisons alentour.
Mais les autorités "disent qu'elles doivent mener une enquête avant de délivrer des certificats de décès", raconte-t-elle à l'AFP dans sa maison en partie endommagée de la vieille ville.
'Ni eau, ni électricité'
Comme Asma Mohammed, ils sont nombreux à Mossoul à énumérer les noms de leurs proches tués par des raids aériens.
Selon des sources locales, près de 2.000 civils auraient été tués par ces raids et dans des combats à Mossoul. La coalition internationale menée par Washington ne reconnaît elle qu'un minimum de 817 civils tués "involontairement" depuis 2014 dans des raids en Irak et Syrie voisine.
Asma survit avec ses deux enfants grâce à des aides d'amis et de voisins. Elle se met à pleurer quand elle pense à l'avenir.
Dans son secteur, une seule autre famille est revenue, celle d'Anssam Anouar, 30 ans, rentrée depuis quelques jours avec son mari, sans emploi, et leurs cinq enfants.
Le froid est mordant dans les petites pièces de leur maison. Les compteurs d'électricité pendent au mur, arrachés.
"On n'a toujours ni eau, ni électricité, mes enfants sont privés d'école et même l'odeur des corps qui pourrissent continue de nous étouffer", se lamente Anssam en déblayant les débris couvrant le sol.
Dans leur ruelle, de longues tenues afghanes et des gilets multipoches ont été abandonnés. Des habits de jihadistes, assurent des habitants.
Un peu plus loin, Abou Qouteiba al-Attar, 59 ans, parcourt les ruelles autrefois bondées du marché historique.
Le magasin de son père, où il a passé toutes ses journées "depuis l'âge de six ans", a été détruit.
Portant une longue robe traditionnelle, il explique avoir lancé, à ses frais, des travaux pour le reconstruire car, après que les combats ont touché son quartier il y a un an, il est resté "enfermé à la maison, en pleine déprime".
Selon lui, "la sécurité est revenue" et l'activité économique doit maintenant suivre.
Des petits artisans aux gros marchands, ils sont nombreux à Mossoul à plaider pour un changement radical de mentalité.
'Chômage, injustice'
"Maintenant, il faut coopérer avec les forces de sécurité qui nous ont libérés et dénoncer tous ceux qui nous paraissent suspects plutôt que de rester passifs", dit l'un de ces marchands à l'AFP.
Mossoul, carrefour commercial historique proche de la Syrie et de la Turquie, a toujours été rétive aux ordres venus de Bagdad.
Après leur invasion de l'Irak en 2003, les Américains s'étaient cassé les dents sur cette région d'où de nombreux cadres militaires de l'armée de l'ancien président Saddam Hussein étaient originaires.
Avant même la percée de l'EI en 2014, des groupes extrémistes imposaient leur loi dans certaines zones. A l'époque, les autorités dénonçaient des "cellules dormantes" d'Al-Qaïda. Les mêmes mots reviennent aujourd'hui au sujet de l'EI.
"Pour le moment, les habitants coopèrent totalement et nous informent quand ils voient des inconnus dans leur quartier", explique à l'AFP un policier sous le couvert de l'anonymat. "Espérons que cela va durer, sinon (...) un nouvel EI ressurgir".
Mozhar Abdel Qader, commerçant de 48 ans, assure qu'il ne faudrait pas se réjouir trop vite car les conditions ayant permis à l'EI de recruter à Mossoul existent toujours.
"Il y a le chômage, l'injustice et les gens n'ont pas de quoi manger. Alors quand on leur promet 100 dollars pour poser des bombes, ils le font", affirme ce père de cinq enfants, dont la maison est criblée de balles et d'obus.
"Si on nourrit tout le monde et on trouve du boulot aux jeunes, vous pouvez être sûrs que tous protègeront le pays encore mieux que les forces de sécurité", assure-t-il dans les décombres de la mosquée Al-Nouri, devenue un cimetière de voitures calcinées.
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