"Le viol est un crime. Mais la drague insistante ou maladroite n'est pas un délit, ni la galanterie une agression machiste", soutient ce collectif d'écrivaines, comédiennes, chercheuses, journalistes, dans un long texte publié par le Monde daté du 10 janvier.
Rédigé notamment par les écrivaines Catherine Millet ou Catherine Robbe-Grillet, et signé par des personnalités comme Catherine Deneuve, Brigitte Lahaie, ou la journaliste Elisabeth Lévy, cette tribune se désolidarise des mouvements nés de l'affaire Weinstein, s'émouvant d'un retour "du puritanisme" et de l'avènement d'"un féminisme qui prend le visage d'une haine des hommes et de la sexualité".
"Nous défendons une liberté d'importuner, indispensable à la liberté sexuelle. Nous sommes aujourd'hui suffisamment averties pour admettre que la pulsion sexuelle est par nature offensive et sauvage, mais nous sommes aussi suffisamment clairvoyantes pour ne pas confondre drague maladroite et agression sexuelle", poursuivent ces signataires.
A rebours des réactions saluant une "libération de la parole" et une prise de conscience de l'impunité des agresseurs sexuels après ce scandale mondial, la tribune a immédiatement suscité des commentaires.
Dans un tweet, l'ancienne ministre des Droits des femmes, Laurence Rossignol, a regretté "cette étrange angoisse de ne plus exister sans le regard et le désir des hommes. Et qui conduit des femmes intelligentes à écrire des énormes âneries".
"Délations"
La militante féministe Caroline De Haas a critiqué pour sa part une "tribune pour défendre le droit d'agresser sexuellement les femmes (et pour insulter les féministes)".
"Révoltant. A rebours de la prise de conscience actuelle", pour l'association Osez le féminisme, qui rappelle dans un tweet qu'"une femme sur six sera agressée ou violée au cours de sa vie".
De l'affaire Weinstein sont nés les mouvements #Balancetonporc ou #Metoo, qui ont incité des dizaines de milliers de femmes à témoigner.
Mais pour les membres du collectif, si "une légitime prise de conscience des violences sexuelles exercées sur les femmes, notamment dans le cadre professionnel" a eu lieu après le scandale qui vise depuis octobre le puissant producteur américain, "cette libération de la parole se retourne aujourd'hui en son contraire".
"Cette fièvre à envoyer les +porcs+ à l'abattoir, loin d'aider les femmes à s'autonomiser, sert en réalité les intérêts des ennemis de la liberté sexuelle, des extrémistes religieux, des pires réactionnaires et de ceux qui estiment (...) que les femmes sont des êtres à part, des enfants à visage d'adulte, réclamant d'être protégées", estiment-elles, critiquant une "campagne de délations".
Des hommes ont été "sanctionnés dans l'exercice de leur métier, contraints à la démission, alors qu'ils n'ont eu pour seul tort que d'avoir touché un genou, tenté de voler un baiser, parlé de choses +intimes+ lors d'un dîner professionnel ou d'avoir envoyé des messages à connotation sexuelle à une femme chez qui l'attirance n'était pas réciproque", soutiennent encore les signataires, évoquant "la vague purificatoire" qui a notamment visé les oeuvres des réalisateurs Roman Polanski ou Jean-Claude Brisseau.
En mars, Catherine Deneuve avait apporté son soutien à Polanski, accusé d'agressions sexuelles, déclarant à la télévision, à propos de son inculpation en 1977, qu'elle avait "toujours trouvé que le mot de viol avait été excessif". Des propos ensuite jugés "déplacés" par le CSA.
Sur internet, de nombreux anonymes ont relayé la tribune, commentant en particulier un des passages invoquant le droit pour une femme "de veiller à ce que son salaire soit égal à celui d'un homme, mais ne pas se sentir traumatisée à jamais par un frotteur dans le métro, même si cela est considéré comme un délit". "Le dernier métro de Catherine Deneuve date de 1980", raillait par exemple un internaute, en référence au film de François Truffaut.
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