Les défis n'ont pas manqué pour ce presque sexagénaire longiligne, aux cheveux blanchis, qui connaît parfaitement une entreprise à laquelle il a consacré l'essentiel de sa carrière, malgré quelques escapades dans des cabinets ministériels socialistes.
Sans jamais se départir de son petit carnet dont il noircit frénétiquement les lignes, il interroge, questionne les employés qu'il rencontre, n'hésitant pas à s'asseoir un instant pour aborder des sujets qui fâchent. Toujours courtois.
Lorsque la SNCF fait face à des coups durs, il monte au créneau, imposant l'image d'une entreprise qui veut assumer ses défaillances.
C'est d'ailleurs l'une des ficelles de ce communicant habile: à chaque plainte ou doléance --et il y en a beaucoup--, il commence par reconnaître les torts de la SNCF, avant d'annoncer des améliorations.
Le patron du rail français a traversé de nombreuses crises. Il a connu des grèves surprise, des fermetures de gares inopinées, des amas de neige sur les voies, des pannes de trains au milieu du tunnel sous la Manche, l'accident de Brétigny-sur-Orge (sept morts en 2013) et celui d'une rame d'essai à Eckwersheim (11 morts en 2015)... et aussi des pannes retentissantes comme celles qui ont paralysé les gares parisiennes en juillet-août, puis en décembre 2017, qui lui ont valu d'être convoqué lundi chez la ministre des Transports Elisabeth Borne.
C'est une SNCF très différente qui vient de fêter son 80e anniversaire, après dix ans sous la direction de Guillaume Pepy. Elle a récupéré le réseau ferré (dont elle avait été séparée entre 1997 et 2014), et surtout elle s'est largement ouverte vers d'autres modes, transports en commun, cars interurbains, autopartage... y compris à l'étranger.
Mais si la SNCF a ainsi réalisé un chiffre d'affaires de 32,3 milliards d'euros en 2016 (+47% en dix ans), cette diversification n'est pas du goût de tous, certains syndicats lui reprochant d'avoir délaissé les bases du métier ferroviaire et dénonçant sa "logique business", la compression des budgets et les recours à l'externalisation.
Ascension dans le groupe
De fait, l'homme qui fut longtemps un chantre du TGV, qu'il a qualifié de "patrimoine national", a été contraint de revoir sa position, redonnant la priorité à la rénovation du réseau classique --notamment en Ile-de-France-- et aux "trains du quotidien".
Au printemps 2016, Guillaume Pepy tente de réformer l'organisation du temps de travail pour faire des gains de productivité, et casser la spirale de l'endettement, alors que le secteur ferroviaire doit bientôt s'ouvrir à la concurrence. Mais il ne parvient pas à prévenir le déclenchement d'une grève dure. Le gouvernement le lâche et la SNCF adopte des mesures moins ambitieuses.
Depuis cet épisode qui a failli le faire partir, il se fait moins présent sur le devant de la scène.
Né le 26 mai 1958, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris puis de l'Ena, Guillaume Pepy entre au Conseil d'Etat en 1984. Après un court passage (1988-1989) au cabinet de Michel Charasse, alors ministre du Budget, il rejoint pour la première fois la SNCF où il dirige le cabinet du président Jacques Fournier.
Il retrouve entre 1990 et 1993 le cabinet de Michel Durafour, ministre de la Fonction publique, puis celui de Martine Aubry, ministre du Travail, qui est restée une amie proche.
Il effectue son retour à la SNCF en 1993 comme directeur de l'économie, de la stratégie et des investissements puis --après un détour par la Sofres-- à la tête des "grandes lignes" où il est appelé en juin 1997.
En 1998, il devient directeur général délégué de toutes les activités voyageurs puis, en 2003, directeur général exécutif et numéro deux du groupe.
Sa fidélité et sa parfaite connaissance de l'entreprise, unanimement reconnue, seront finalement récompensées en février 2008 avec sa nomination à la tête du groupe pour un premier mandat de cinq ans. Reconduit pour un nouveau mandat en 2013, il devient en 2015 --date de la réintégration du réseau--, et jusqu'en 2020, président du directoire de la SNCF et PDG de SNCF Mobilités.
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