Toute la campagne du président indépendantiste de la région, destitué par Madrid et parti fin octobre à Bruxelles juste avant son inculpation pour "rébellion" a tourné autour d'une seule et même idée: revenir au pouvoir par la grande porte.
En appelant les électeurs à voter pour sa liste Ensemble pour la Catalogne lors des élections régionales du 21 décembre, M. Puigdemont leur demandait de montrer au gouvernement madrilène qu'ils étaient les seuls à choisir leurs dirigeants, et récupérer ainsi leur "dignité" piétinée par la "répression" de Madrid.
Le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy avait mis la région sous tutelle après la déclaration d'indépendance unilatérale votée le 27 octobre par son parlement et dissous cette assemblée, convoquant ces élections.
Finalement, la liste de Carles Puigdemont a obtenu 34 sièges sur 135 au parlement. Avec les 32 sièges de l'autre grande formation indépendantiste, la Gauche républicaine de Catalogne (ERC), et les quatre du petit parti d'extrême gauche Candidature d'unité populaire (CUP), il disposerait donc de la majorité nécessaire pour obtenir une nouvelle investiture (70 voix sur 135).
Mais le chemin est semé d'embûches pour ce président destitué qui risque une arrestation dès qu'il aura mis le pied en Espagne.
Pour qu'il puisse être investi, il lui faut d'abord s'assurer d'avoir des alliés au sein du stratégique "bureau des présidents" de l'assemblée catalane, l'organe qui décide de l'ordre du jour et veille sur le respect du règlement.
La raison est simple: le bureau doit accepter que le candidat à l'investiture présente son programme à distance, depuis Bruxelles, et soit élu sans être présent.
Or, les indépendantistes ne peuvent pour l'instant pas compter sur leurs 70 voix puisque huit d'entre eux sont en prison ou à l'étranger, dont M. Puigdemont.
Et la situation ne devrait pas changer rapidement: les juges de la Cour suprême ont opposé vendredi une fin de non-recevoir à l'ex-vice-président Oriol Junqueras, incarcéré près de Madrid, qui demandait à être libéré notamment pour pouvoir exercer son droit de représenter les Catalans qui l'ont élu.
Dans un arrêt jugé très dur par les indépendantistes, la Cour développe un argumentaire qu'elle pourrait appliquer à tous les dirigeants séparatistes incarcérés.
Dans le cas de d'Oriol Junqueras, la Cour justifie sa décision par la crainte d'une récidive, estimant que rien n'indique qu'il a renoncé à une déclaration unilatérale d'indépendance impliquant "de nouveaux épisodes de violence ou troubles".
Les indépendantistes doivent donc s'organiser pour qu'au moins six des huit élus en prison ou à l'étranger renoncent au profit d'autres élus sur leurs listes ... ou obtenir la neutralité complice des alliés de Podemos (gauche radicale) en Catalogne, "La Catalogne en Commun", qui dispose de huit sièges et s'oppose à la politique de Madrid.
Dans tous les cas, la décision devra en principe être prise le 17 janvier au plus tard, quand le nouveau parlement catalan siègera pour la première fois.
Doutes et divisions
Ensuite, Carles Puigdemont devra encore résoudre les doutes dans son propre camp, en particulier au sein du parti ERC.
"On ne sait pas comment ils (les élus sur la liste de Puigdemont, ndlr) comptent le faire, s'ils viendront ou pas, mais la voie +télématique+ nous paraît très étrange", déclarait jeudi à l'AFP une source d'ERC alors que ce parti semble souhaiter "un plan B".
"La compétition entre les deux formations indépendantistes (celle de Puigdemont et celle d'ERC) est de plus en plus dure", écrit ce vendredi Enric Juliana, éditorialiste du quotidien La Vanguardia et grand spécialiste de la politique catalane.
Mais s'il arrivait encore à surmonter ces divisions et les problèmes de règlement pour être enfin réélu président, qui dirigera la Catalogne ?
"Carles Puigdemont a dit que s'il est investi, il va revenir", répond une source de son parti.
Mais ne serait-il pas immédiatement arrêté ?
"S'il se présente aux portes du palais de la Généralité (siège de l'exécutif catalan) entouré de 500 maires qui le soutiennent, le gouvernement espagnol va-t-il vraiment l'arrêter ?", questionne en retour cette source.
"De toutes manières, s'il vient et s'il est arrêté, il n'y a plus de législature et de nouvelles élections dans trois mois", ajoute-t-elle.
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