Inutile d'attendre de lui qu'il s'épanche sur sa douleur. Quand on lui demande s'il garde encore espoir, cet expert en risques industriels avance des statistiques : "La seule chose qu'on peut dire, c'est que les enfants sont en général assassinés dans les heures ou les jours qui suivent leur enlèvement. Pour le reste, on est dans le fantasme pur car on n'a pas d'informations. Et ça, c'est insoutenable".
"Il y a des exceptions, mais elles ne sont absolument pas représentatives".
Il y a quinze ans, bottes en caoutchouc aux pieds, il avait arpenté sans relâche les environs de Guermantes, village de Seine-et-Marne où la benjamine de ses trois enfants a disparu, le 9 janvier 2003 vers 18H15, alors qu'elle rentrait de l'école par une nuit glaciale.
C'est ensuite lui qui a fait connaître à la France entière le visage d'Estelle, par des affiches placardées dans les lieux publics, les aéroports, les bureaux de Poste ou les couloirs du métro parisien.
Une perquisition simultanée des 400 logements de Guermantes, un vaste coup de filet anti-pédophilie, l'exploration de toutes les cavités de ce coin d'Ile-de-France riche en carrières : à l'époque, la police avait vanté des moyens "inédits" et "colossaux".
Eric Mouzin, lui, se dit "sûr et certain que tout n'a pas été fait à fond dans les premiers moments". En revanche, "il y a eu beaucoup de communication : combien de fois on nous a sorti un +élément nouveau+ quelques jours avant le 9 janvier ou le 25 mai, journée des enfants disparus ?"
Pour autant, les policiers sont, selon lui, moins à blâmer que "le système", notamment le "défaut de méthode et d'organisation" des enquêtes au démarrage, qui rend les dossiers inexploitables sur la durée.
La police, via l'Office central pour la répression des violences aux personnes, travaille toujours sur une quinzaine de disparitions non élucidées.
Sept juges d'instruction
Pour faciliter le traitement du dossier d'Estelle, son père et ses avocats réclament depuis des années que la police judiciaire de Versailles, en charge de l'enquête, remette "un PV de synthèse des dernières opérations" au juge d'instruction. En vain.
De même, à l'instar de ce qui a été fait dans le dossier de Maddie, une petite Anglaise disparue au Portugal en 2007, ils ont demandé une relecture complète du dossier avec un œil neuf. "Le juge n°5 -on en est au 7e - m'a dit que ça prendrait dix ans. Ce qui veut dire qu'ils ne cherchent plus à résoudre" l'affaire.
Loin de se consacrer exclusivement au cas de sa fille, Eric Mouzin s'est attelé, au sein de l'association "Estelle", à faire un travail de "mise en perspective", en se rendant notamment à l'étranger pour voir ce qui s'y faisait.
Celui qui a aussi donné une impulsion décisive à la mise en place en 2006 du dispositif Alerte enlèvement a remis en mai au Garde des sceaux une série de propositions. Parmi elles, la création d'un corps de juges spécialisés dans les disparitions d'enfants, à l'instar des pôles financier, antiterrorisme ou santé.
Le document semble avoir fini dans un tiroir. "Je vais commencer à sortir les crocs", prévient Eric Mouzin, qui tiendra une conférence de presse mardi, jour anniversaire de la disparition.
En attendant, il a dû encaisser la nouvelle, apprise par la presse, que la piste Nordahl Lelandais, du nom du suspect de l'affaire Maëlys, n'avait rien donné.
La disparition de cette petite fille, fin août en Isère, l'a remué. "Les parents, oui, ils souffrent. Mais l'enfant qui se fait enlever..."
Maëlys a le même âge qu'Estelle quand elle a disparu, 9 ans. Dans leur malheur, ses parents ont tout de même "des éléments matériels" pour faire avancer l'enquête, dit-il. "Nous, on n'a rien".
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