L'enquête préliminaire, confiée à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), vise les chefs de faux, d'usage de faux et d'altération de documents de nature à faciliter la découverte d'une infraction par une personne concourant par ses fonctions à la manifestation de la vérité, a-t-on appris de source judiciaire.
Selon Mediapart, un policier de la Direction du renseignement parisien (DRPP) a rédigé une note faisant état de messages d'Adel Kermiche évoquant une "attaque dans une église" et mentionnant Saint-Etienne-du-Rouvray, quelques jours avant l'assassinat du père Hamel, égorgé le 26 juillet.
"Une fois le prêtre assassiné, la DRPP a alors postdaté deux documents afin de masquer sa passivité", en faisant pression sur ce brigadier, accuse le site d'information qui s'appuie sur les déclarations de plusieurs policiers de la DRPP sous couvert d'anonymat.
La préfecture de police (PP), dont dépend la DRPP, a rejeté ces accusations. Selon elle, la note, datée du 22 juillet, n'évoque "en aucun cas (...) l'imminence d'un passage à l'acte, et encore moins le ciblage d'un lieu précis" comme une église. Cette note "ne comportait pas de caractère d'urgence" et "a suivi le circuit habituel de validation", ajoute la PP.
Selon la préfecture, elle identifiait un homme donnant des cours à la mosquée de Saint-Etienne-du-Rouvray, appelant, "sur les réseaux sociaux, +les fidèles+ à le rejoindre dans le but de former un groupe à vocation terroriste".
Lorsque l'attentat jihadiste a lieu le 26 juillet, "le rédacteur de la note a immédiatement fait le lien avec l'individu qu'il avait identifié", indique la PP. "Sans délai, la DRPP a informé oralement les services enquêteurs et a rédigé une nouvelle note datée du 26 juillet", affirme-t-elle.
"Les deux documents originaux, enregistrés et traçables dans les serveurs de la DRPP, sont à disposition de toutes les autorités administratives et judiciaires", souligne-t-elle.
- "Qui savait quoi ?" -
Pour l'archevêque de Rouen, Mgr Dominique Lebrun, cette accusation "réveille une douleur qui commençait doucement à s'apaiser". "Des questions se posent à nouveau: qui savait quoi? Cet attentat aurait-il pu être évité?", interroge-t-il.
"Si les faits sont avérés, il est à craindre que cette trahison de la part de ceux qui sont censés nous informer et nous protéger nourrisse les suspicions des victimes d'attentats et provoque une très grave crise de confiance", a déclaré à l'AFP Eric Morain, avocat de la Fédération nationale des victimes d'attentats et d'accidents collectifs (Fenvac), partie civile dans l'enquête consacrée à l'attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray.
"Comment peut-on prétendre améliorer l'efficacité de nos services de renseignement dans la détection des passages à l'acte si ces derniers cachent des informations capitales dans le seul but de fuir leurs responsabilités?", s'est inquiété de son côté Christian Saint-Palais, avocat de la sœur du père Hamel.
Autre avocat de partie civile, Mehana Mouhou a déposé plainte, demandant "la déclassification totale des documents classés secret défense".
De son côté, le Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN) a demandé "à la préfecture de police d'engager toute action, pénale et administrative, afin d'identifier le ou les auteurs de ces fuites".
Selon le SCPN, l'article de Mediapart, "manifestement écrit avec le concours d'une source dont on peut questionner les intérêts et la déontologie, constitue à l'évidence une mise en danger de plusieurs chefs de services, mais également une compromission du secret de la défense nationale".
Cette affaire a aussi suscité des réactions dans la classe politique.
Nicolas Bay, vice-président du FN, a dénoncé de "probables dysfonctionnements d'une rare gravité", tandis que le député du Gard apparenté FN, Gilbert Collard, a demandé une "réorganisation en profondeur des services du renseignement intérieur" et "le remplacement immédiat de toute la chaîne hiérarchique responsable".
kap-pta-mf-sde/tmo/cam
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