Trois ans après la mort de 12 personnes dans l'attaque contre l'hebdomadaire Charlie Hebdo - début d'une vague d'attentats jihadistes en France qui a fait 241 morts - de nombreux soutiens du journal vont se rassembler aux Folies Bergères à Paris, pour une après-midi de débats et un spectacle en soirée.
L'événement, intitulé "Toujours Charlie!", est organisé par le Printemps républicain, la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) et le Comité Laïcité République, trois associations très actives dans le combat laïque qui s'est mué en terrain d'affrontements idéologiques très vifs.
Quelque 1.500 personnes y sont attendues, parmi lesquelles des politiques, dont l'ancien Premier ministre Manuel Valls, la fondatrice des Femen Inna Shevchenko, l'écrivaine bangladaise Taslima Nasreen ou la philosophe Elisabeth Badinter.
Charlie Hebdo sera notamment représenté par son rédacteur en chef Gérard Biard et sa directrice des ressources humaines Marika Bret. Mais d'autres membres de l'équipe ne seront pas là "pour des raisons de sécurité", selon un organisateur.
L'hebdomadaire a décrit dans son numéro paru mercredi son quotidien bunkérisé, ses "trois ans dans une boîte de conserve", sous haute protection.
Trois ans après, "l'hommage" se double d'un esprit de "combat". "Oui, le combat, parce que nous ne pensions pas revivre les débats qu'on a vu ressurgir ces dernières semaines, de manière extrêmement violente", explique à l'AFP le président du Printemps républicain, Amine El Khatmi. "On a constaté que de plus en plus de gens assumaient ouvertement de dire: +je ne suis plus Charlie+, +ce journal va trop loin+", poursuit-il.
Cet élu local socialiste a encore en tête les accusations d'"islamophobie" qui ont visé Charlie Hebdo après sa une sur les attentats de Barcelone en août dernier, titrée "islam, religion de paix éternelle". Mais aussi, plus récemment, le choc frontal avec le site Médiapart d'Edwy Plenel, qui avait accusé l'hebdomadaire de participer à une "guerre aux musulmans" - avant de confesser avoir "surréagi" - sur fond d'affaire Tariq Ramadan.
"L'enjeu de notre manifestation, c'est de rappeler que dire +je suis Charlie+ ça ne veut pas dire +je suis Charlie Hebdo+. On peut parfaitement assumer des désaccords avec ce que fait cet hebdomadaire, être dérangé, choqué, mais ce n'est pas plus important que le droit d'un journal à pouvoir jouir sans entrave de la liberté d'expression", fait valoir le responsable du Printemps républicain. "Cela semblait acquis il y a trois ans, cela semble l'être moins aujourd'hui", estime-t-il.
"Union nationale"
Que reste-t-il de "l'esprit Charlie" ou de "l'esprit du 11 janvier", ce dimanche historique de 2015, qui a vu plus de quatre millions de Français descendre dans les rues après les attentats? Il est aujourd'hui "polysémique, beaucoup de gens l'invoquent, mais pas dans le même sens", estime le politologue Thomas Guénolé, membre de la France insoumise. Celui-ci déplore anisi une "tentative de privatisation de l'esprit Charlie par des composantes du débat public, ainsi que par des personnalités politiques", de l'extrême droite jusqu'à la gauche vallsiste.
Selon cet observateur engagé, "on aurait pu conserver une union nationale quasi unanime, y compris chez les Français de confession musulmane, en faveur de la liberté d'expression, du droit à la caricature, contre les communautarismes et l'expression islamiste" si n'était pas né un "principe de suspicion" envers les musulmans.
Historien de la laïcité, Jean Baubérot déplore lui aussi que des militants "se rendent propriétaires de l'esprit Charlie alors que la manifestation du 11 janvier était consensuelle". Y étaient présents "tous les partisans de la laïcité avec leurs différences, c'est normal qu'il y en ait", relève-t-il.
Amine El Khatmi, lui, défend l'engagement de "militants" qui, comme tels, peuvent être "excessifs". "Je préfère des vigilants et des républicains face à des gens qui publient des menaces de mort" et aux "insultes insupportables que se prend la rédaction de Charlie Hebdo", dit-il.
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