"Un climat de terreur" ayant généré des "troubles de l'anxiété" chez les bébés: le constat était celui de l'encadrement de la prison comme de la justice, qui a condamné en janvier dernier deux détenues islamistes radicalisées à sept mois de prison ferme pour des menaces de mort à l'encontre de codétenues et de surveillantes.
"Nous avons été confrontés à un changement radical avec l'arrivée des personnes détenues pour terrorisme": c'est la première chose qu'a dite la directrice de la maison d'arrêt, Nadine Picquet, à la ministre de la Justice Nicole Belloubet, venue jeudi visiter Fleury-Mérogis (Essonne).
Au cours des six derniers mois de 2016, le nombre de détenues radicalisées avait presque triplé. Le quartier disciplinaire, vétuste, était alors fermé pour travaux (et ne rouvrira pas avant des mois), les personnels étaient désemparés.
Une situation de crise inédite dans une prison qui, dans son architecture même, avec ses murs bas et ses grandes fenêtres ouvrant sur des carrés de gazon, "n'a pas été bâtie avec une préoccupation sécuritaire", explique Stéphane Bredin, le directeur de l'Administration pénitentiaire. Les seules détenues "considérées comme dangereuses" ont été les membres d'Action Directe dans les années 80.
"Effet Loft"
"Il y avait trop de monde, trop de tension", estime une surveillante. Une autre parle d'un "effet Loft" chez des femmes fatiguées vivant en vase clos, avec ses crises de nerf et ses effets de groupes.
De la violence aussi: quand une femme radicalisée menace "d'assassiner" les enfants d'une codétenue ou "glorifie" les attentats jihadistes en France; quand les forces de l'ordre pénètrent dans la nursery pour emmener un bébé retiré à sa mère sur décision du juge.
La solution a été de cesser de concentrer sur la région parisienne les profils terroristes et de mieux les ventiler à travers le territoire: sur les 254 femmes écrouées à Fleury, 24 sont aujourd'hui incarcérées pour terrorisme, sensiblement le même nombre qu'il y a un an.
Les femmes ne représentent que 3,5% de la population carcérale en France. Au sein de la plus grande prison d'Europe - plus de 4.300 détenus au total -, les jeunes mères représentent une minorité dans la minorité. Début janvier, elles étaient huit - en fin de grossesse ou avec leur bébé - à la nursery. Les radicalisées les plus violentes ont été soit transférées, soit isolées, confinées à leur chambre.
Les détenues circulent librement dans la journée, ont accès à une salle d'éveil, un espace pour le bain, à la cour... mais la situation reste "difficile du fait du manque d'effectif", notamment de puéricultrices et d'éducatrices spécialisées, selon les agents.
Dans sa cellule d'environ 15 m2, une jeune mère, un nourrisson potelé dans les bras, répond à la ministre qui veut savoir ce qu'il faudrait changer: "Il faut faire plus sortir les bébés". "Ils sont trop enfermés et quand ils sortent, ils ont peur".
"Pour les mères, c'est la double peine, détaille une conseillère de probation: elles ne peuvent pas travailler parce qu'elles s'occupent de leurs bébés 24 heures sur 24. Et pour les enfants c'est encore pire: eux ne sont pas emprisonnés mais parfois empêchés de sortir (pour aller dans la famille ou à la crèche) faute de personnel".
Le moment de la séparation, obligatoire aux 18 mois de l'enfant - qui est alors placé par l'aide à l'enfance ou confié à sa famille avec l'accord de la mère - n'en est que plus dur.
Dans l'aile voisine, une détenue a choisi de ne pas voir ses enfants pour s'épargner "ce moment de la séparation". "On est punie pour ce qu'on a fait, mais la prison n'est pas un endroit pour les enfants", dit-elle. Une décision pesante dont elle aimerait s'ouvrir à un psychologue, "depuis six mois".
Parmi les quelque 190 prisons françaises, 29 comptent une nursery, la plus importante étant celle de Fleury-Mérogis.
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