Tout en rappelant la politique de retour au "cas par cas" édictée en novembre par Emmanuel Macron, notamment pour les femmes et les enfants, la ministre de la Justice Nicole Belloubet a souligné que les personnes arrêtées en Irak et Syrie devaient autant que possible "être jugées dans les pays où elles ont été interpellées".
D'après une source proche du dossier en France, une trentaine de jihadistes français adultes, hommes et femmes, accompagnés de plusieurs dizaines d'enfants, ont été arrêtés dans ces deux pays, dont la grande majorité par les forces kurdes en Syrie.
Parmi eux, des figures connues comme Thomas Barnouin, 36 ans, vétéran de la nébuleuse jihadiste du Sud-Ouest de la France -- dans laquelle ont gravité Mohamed Merah ou les frères Clain -- et Emilie König, 33 ans, propagandiste et recruteuse notoire du groupe Etat islamique (EI).
Face à une opinion publique traumatisée par les attentats de 2015, perpétrés en partie par des jihadistes français revenus de Syrie, le gouvernement redouble de prudence.
Mme Belloubet a rappelé que "lorsque ces pays ont des institutions judiciaires qui sont reconnues", comme en Irak où ils encourent la peine de mort, les ressortissants français "seront jugés là".
Mais le gouvernement était jusqu'ici resté plus flou sur la Syrie, où les Kurdes, et non le gouvernement de Damas, contrôlent une partie du nord et du nord-est du pays et disent y avoir capturé depuis un an 1.300 jihadistes locaux et étrangers.
Le sujet a rebondi cette semaine lorsque deux Françaises détenues en Syrie, dont Emilie König, ont par l'intermédiaire de leurs avocats, Marie Dosé et Bruno Vinay, demandé au gouvernement français de pouvoir être jugées dans l'Hexagone, avec leurs enfants près d'elles.
"Pour la Syrie (…), nous allons travailler avec l'ensemble des partenaires, notamment la Croix-Rouge, pour nous assurer qu'elles bénéficient d'un procès équitable", a répondu jeudi Mme Belloubet, qui s'exprimait lors d'une visite à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, semblant accréditer l'idée que des Français pourraient être jugés sur place.
'Décisions à prendre'
Dans la matinée, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, avait n'avait pas dit autre chose en estimant sur BFMTV que si "dans le Kurdistan syrien (...) il y a des institutions judiciaires qui sont en capacité d'assurer un procès équitable (...), elles seront jugées là-bas".
Ces déclarations ont soulevé un tollé chez les avocats et familles de plusieurs Françaises détenues avec leurs enfants en Syrie, dont beaucoup affirment n'avoir jamais pris les armes.
"Le gouvernement français montre son vrai visage. Il refuse d'avoir une position claire par peur de l'opinion publique", a déclaré à l'AFP Amine Elbahi, dont la sœur a quitté la France en 2014 pour gagner la Syrie. Pour les femmes notamment, "ni la sécurité ni un procès équitables ne sont garantis en Syrie", dit-il.
Me Dosé et Me Vinay réclament également que leurs clientes soient jugées en France avec leurs enfants, notamment parce qu'aucune "autorité identifiée" ne peut le faire en Syrie.
Quant au "cas par cas", "c'est la rupture totale de l'égalité devant la loi", estime Me Dosé.
Khaled Issa, représentant de la fédération kurde syrienne (Rojava) à Paris, a déclaré à l'AFP que les Kurdes syriens étaient prêts à "s'arranger" avec Paris pour que des prisonniers soient transférés en France ou jugés en territoire kurde syrien.
"Nous aurons un certain nombre de décisions à prendre en particulier pour les enfants", avait pour sa part noté mardi le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, laissant la porte ouverte à d'éventuels retours.
Mais des voix s'y opposent. "Aucun risque ne doit être pris avec la sécurité des Français", et les jihadistes françaises doivent être "jugées là où elles se trouvent", a réclamé Lydia Guirous, porte-parole des Républicains (LR).
Selon les autorités françaises, environ 1.700 Français ont rejoint les zones jihadistes irako-syriennes depuis 2014. Jusqu'à 450 seraient morts, et 302 sont revenus en France.
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