Dans la nuit, l'internet a été coupé sur les téléphones portables au moins à Téhéran, ont pu constater les journalistes de l'AFP. Des millions d'Iraniens utilisent Internet sur ces téléphones.
A la mi-journée, des dizaines d'étudiants se sont rassemblés devant l'entrée principale de l'université de Téhéran pour protester contre le pouvoir, avant que les forces de l'ordre ne les dispersent avec des gaz lacrymogènes.
Des centaines d'étudiants prorégime ont pris plus tard le contrôle du lieu, selon des vidéos publiées sur les réseaux sociaux.
Mais en fin d'après-midi, des centaines de personnes ont manifesté ailleurs dans le quartier de l'université, scandant des slogans hostiles au pouvoir, avant d'être dispersées par la police anti-émeute largement déployée.
L'agence Mehr, proche des conservateurs, a mis en ligne sur la messagerie cryptée Telegram, suivie par près de 25 millions d'Iraniens, des vidéos montrant des manifestants attaquer la mairie du deuxième arrondissement à Téhéran et renverser une voiture de police.
'Soulèvement armé'
D'autres médias ont fait état de destructions dans la capitale, dénonçant les "fauteurs de trouble".
Des vidéos diffusées sur Telegram par des chaînes basées à l'étranger et liées à l'opposition montrent des milliers de manifestants criant notamment "mort au dictateur", présentant ces protestations comme ayant eu lieu notamment dans les villes de Khorramabad, Zanjan ou Ahvaz, dans l'ouest du pays.
Selon ces sources, plusieurs personnes auraient été tuées par balles dans la province de Lorestan (ouest) dans des affrontements avec la police.
Ces informations étaient cependant invérifiables dans l'immédiat, et les médias locaux ont gardé le silence sur de nouveaux rassemblements en province.
Sur Twitter, le ministre des Télécommunications, Mohammad-Javad Jahromi, a accusé Telegram d'encourager le "soulèvement armé".
Le patron de la messagerie cryptée a annoncé la fermeture de la chaîne Amadnews --près de 1,4 million d'abonnés--, pour avoir incité à la "violence".
Plusieurs médias iraniens ont en outre annoncé avoir créé des comptes sur les réseaux sociaux Soroush et Wispi au cas où Telegram serait mis hors service.
Plus tôt dans la journée, le ministre de l'Intérieur Abdolreza Rahmani Fazli avait demandé à la population de ne pas participer aux "rassemblements illégaux".
Face aux maux économiques du pays, isolé et soumis pendant des années à des sanctions internationales pour ses activités nucléaires sensibles, des protestations sociales ont eu lieu jeudi et vendredi dans plusieurs villes de province dont celle de Machhad, la deuxième d'Iran.
Le nombre des manifestants était limité au départ à quelques centaines mais c'est la première fois qu'autant de villes sont touchées par un tel mouvement depuis 2009, lorsqu'un mouvement de contestation contre la réélection de l'ex-président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad avait été violemment réprimé.
D'ailleurs, le pouvoir a mobilisé samedi des dizaines de milliers de personnes dans le pays pour marquer l'anniversaire du grand rassemblement prorégime qui avait sonné en 2009 la fin de ce mouvement.
Pour la première fois samedi, la télévision d'Etat a diffusé des images des manifestations de jeudi et vendredi, jugeant nécessaire d'entendre "les revendications légitimes" de la population. Mais elle a aussi dénoncé les médias et les groupes "contre-révolutionnaires" à l'étranger qui cherchent, selon elle, à exploiter ces rassemblements.
Des dizaines de personnes ont été arrêtées depuis jeudi, mais la plupart ont été libérées selon la télévision.
'Droit d'être entendus'
Le président américain Donald Trump, farouchement hostile à Téhéran et qui avait déjà dénoncé les arrestations vendredi, a affirmé samedi dans un tweet que "les régimes oppresseurs ne peuvent perdurer à jamais".
Le ministère des Affaires étrangères à Téhéran a lui affirmé que le peuple iranien n'accordait "aucune valeur (...) aux déclarations opportunistes" de Washington.
Samedi, le quotidien réformateur Arman titrait "Signal d'alarme" alors que les appels au gouvernement se multiplient pour mettre fin aux maux économiques.
La promesse de relancer l'économie, affaiblie par des sanctions internationales, a été au cœur des campagnes présidentielles de M. Rohani, un religieux modéré réélu en mai pour un deuxième mandat.
S'il a pu parvenir à la levée de certaines sanctions économiques après l'accord international sur le nucléaire iranien de 2015 et qu'il a réussi à maîtriser l'inflation à environ 10%, le taux de chômage demeure élevé (12%) selon des chiffres officiels.
Hesamoddin Ashna, conseiller culturel de M. Rohani, a estimé sur Twitter que, vu les "défis importants" auxquels était confronté le pays, "le chômage, l'inflation, la corruption", les gens avaient le "droit d'être entendus".
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