Motif de son éviction: l'hérésie, qui a inspiré le titre de son livre ("Celui qui va vers elle ne revient pas", éd. Globe), couronné à l'automne du prix Médicis essai en France.
Dans ce récit dense et pudique, l'auteur de 43 ans raconte comment il a intégré à l'adolescence la communauté skver, installée à une cinquantaine de kilomètres de New York et fondée dans les années 50 par un rabbin débarqué d'Ukraine, qui jugea la Grosse pomme trop décadente.
A 18 ans, barbe et papillotes de rigueur, Shulem épouse une femme à qui il a parlé seulement dix minutes, fait des enfants sans trop savoir comment et tente de joindre les deux bouts avec des petits boulots.
Passant outre les interdits de sa communauté, il va très progressivement introduire sous son toit la radio, la télévision puis internet et s'ouvrir ainsi à un autre monde, qui le fascine.
De questionnements sur l'existence en interrogations sur son mariage, il va multiplier les transgressions, ouvrir un blog (le bien nommé "Hasidic rebel") et se rendre compte qu'il a perdu la foi.
"Quand vous vivez au sein d'une communauté religieuse fondamentaliste, il y a une réponse à tout, il y a un système qui ne laisse pas de place au doute", explique-t-il à l'AFP lors d'un passage à Paris début décembre.
Shulem Deen devient un "apikoros" (un hérétique). Un tribunal rabbinique règle son sort en une soirée, faisant de lui un paria.
Sa mère, ainsi que ses frères et soeur, tous juifs orthodoxes, le soutiennent et ont lu son livre qui "les a aidés à comprendre" ses décisions.
Reliques du passé
En revanche, ses cinq enfants ont coupé les ponts, ne supportant pas ce père aux cheveux courts ne portant plus de tenues traditionnelles. Il a peu d'espoir de les revoir un jour.
Une blessure sur laquelle il préfère ne pas s'étendre, insistant sur la dimension universelle de son livre.
Désormais installé à New York, il a fait table rase du passé, même s'il conserve quelques objets à forte dimension symbolique comme son talit (châle de prière), les téfilines reçus lors de sa bar mitzvah (boîtiers en cuir reliés à des lanières) et son schtreimel, la toque en fourrure des juifs orthodoxes.
"Ils sont dans une boîte sous mon lit", dit-il, en éclatant de rire. "Je ne sais pas pourquoi je les garde. Ca doit être sentimental", confie l'écrivain qui se dit aujourd'hui athée.
Pour le reste, exit la nourriture casher, le shabbat et l'usage du yiddish. "Je n'ai jamais regretté ma décision de partir, mais il y a certains aspects de ma vie passée qui me rendent nostalgique", souligne l'écrivain qui décrit avec minutie dans son livre les rituels du monde orthodoxe et la vie en communauté rythmée par des célébrations.
"Ca m'a pris du temps pour accepter que je n'allais pas retrouver ce que j'avais là-bas", explique Shulem Deen, qui s'est rapproché de Footsteps. Forte de 1.400 membres, cette association vient en aide à ceux qui quittent le monde juif orthodoxe à New York, un sujet traité dans le récent documentaire "One of us" sur Netflix.
Sans surprise, son histoire intéresse des producteurs et il a déjà reçu plusieurs propositions pour l'adapter sur grand écran.
"On discute mais ça ne m'emballe pas du tout. Ecrire ce livre correspondait à un projet artistique. Ce n'était pas par besoin de raconter mon histoire au monde entier". Pour ça, "j'ai des amis et un psy !", conclut-il en bon New-Yorkais.
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