"La chasse, c'est mon sacerdoce!", lâche le responsable du "Rallye Tempête", un équipage qui chasse le chevreuil en Seine-et-Marne et dans le Loiret. "Ca fait 30 ans que je voue ma vie à la chasse à courre", souffle-t-il, en embrassant du regard les chevaux, les 37 chiens et les membres de son équipage vêtus de la même redingote bleue surmontée de boutons aux armes du "Rallye Tempête".
"J'ai tout sacrifié, mes vacances, mon temps, mon argent. Et je suis parti de zéro! Alors oui, je suis inquiet", martèle ce professeur d'histoire-géo en région parisienne.
Ce samedi matin en forêt d'Orléans, la douzaine de "boutons" (les chasseurs) trottent et galopent dans le sillage de Philippe, fils de Pierre-François et "piqueux" (celui qui mène les chiens). Peine perdue. Les chiens ont plusieurs fois flairé un chevreuil avant de le perdre. Pas d'hallali, pas de curée. Le "Rallye Tempête" rentre bredouille.
"Ca n'a rien d'exceptionnel", tempère Olivier, un "bouton" de l'équipage de Pierre-François Prioux. "Trois fois sur quatre, c'est l'animal qui gagne", fait-il valoir quand on lui oppose la "cruauté" dont se rend coupable la chasse à courre, selon ses détracteurs.
"Nous contribuons à réguler la faune. Il n'y a pas assez de prédateurs et une surpopulation" de chevreuils, seul animal que chasse le "Rallye Tempête", martèle Olivier, qui ne souhaite pas donner son nom de famille.
"La chasse à courre fait partie de notre patrimoine national, c'est une tradition" vieille de 600 ans, renchérit Sylvie, elle aussi "bouton". "Le foie gras c'est bien pire, non ?"
Enjeu de la cause animale
Autant d'arguments que balaye la sénatrice et ancienne ministre Laurence Rossignol (PS), à l'origine fin novembre d'une proposition de loi visant à interdire "la chasse à courre, à cor et à cri", comme en Angleterre où la chasse a été interdite en 2005.
"C'est un mode de chasse archaïque", explique-t-elle à l'AFP. "Ca induit de la peur et du stress chez les animaux blessés". Et de citer cet épisode survenu en octobre dans l'Oise, département dont elle est élue, lorsque des veneurs ont abattu un cerf qui avait trouvé refuge dans le jardin de particuliers.
L'affaire a créé l'émoi, à tel point que la Fondation 30 millions d'amis a lancé une pétition en ligne "pour l'abolition de la chasse à courre", qui a recueilli près de 115.000 signatures. "C'est une sauvagerie que les gens ne supportent pas", s'insurge Reha Hutin, présidente de la Fondation.
L'exécutif n'est pas tout à fait sur la même longueur d'ondes.
Le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot, que la chasse à courre "heurte profondément", veut conduire une "réflexion". Le président de la République, quant à lui, est allé saluer mi-décembre des chasseurs lors d'un week-end près du château de Chambord. Pendant la campagne, Emmanuel Macron s'était dit favorable à la réouverture des chasses présidentielles, remplacées en 2010 par des "battues de régulation".
De quoi faire bondir Brigitte Bardot. Elle a publié mercredi dans Le Parisien une "lettre ouverte au gouvernement français" contre la chasse à courre, entre autres pratiques "cruelles".
C'est bien cette pression sur l'opinion publique que les chasseurs à courre voient avec inquiétude, explique Pierre de Boisguilbert, porte-parole de la Société de Vènerie qui fédère les 400 équipages de chasse à courre français et leurs 10.000 membres.
Même si la proposition de loi n'aboutissait pas, M. Boisguilbert relève un mouvement profond qui a fait de la cause animale "un fait de société". "La montée de l'anti-spécisme, du véganisme, qui faisaient sourire il y a quelques années, ne font plus sourire du tout".
"La chasse à courre ne coule plus de source en France", regrette-t-il.
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