Si de nombreux Irakiens rêvent d'émigrer aux Etats-Unis, DeMario Mayfield, lui, a fait le chemin inverse: cet Américain de 26 ans est devenu Irakien pour jouer dans l'équipe nationale.
En mai 2013, après trois saisons dans le championnat universitaire américain, il est arrêté dans son Etat natal de Géorgie (sud-est des Etats-Unis) pour "complicité dans les préparatifs d'un vol à main armée".
Après un accord avec la justice, Mayfield est condamné uniquement pour possession d'armes à feu: il passe dix mois en liberté conditionnelle dans un centre de réhabilitation par le travail.
Sa peine purgée, une nouvelle équipe lui redonne sa chance pour sa dernière saison chez les universitaires amateurs. Mais son horizon chez les professionnels aux Etats-Unis est désormais bouché.
"J'ai cru que c'était la fin, puis j'ai compris que je devais retrouver confiance en moi et me sortir du trou. Alors je suis venu ici", en Irak, explique-t-il à l'AFP.
"J'avais des amis (américains) qui étaient déjà là et, après de longues discussions, ils m'ont persuadé de venir", assure cet arrière de 1,95 m et 91 kg à l'issue d'un match de championnat d'Irak contre le club de la... police.
'Meilleur joueur'
Malgré le danger qu'a représenté le groupe Etat Islamique (EI) en Irak, 80 basketteurs américains sont venus jouer dans ce championnat depuis 2015.
Et DeMario Mayfield, affublé du maillot vert et blanc de l'équipe du ministère du Pétrole à Bagdad, fait partie des treize Américains qui y évoluent actuellement.
"Il a commencé à jouer en 2016 pour le Naft (Pétrole) et, grâce à lui, le club a remporté cette saison-là son premier titre de champion d'Irak", explique à l'AFP Khaled Najm, secrétaire général de la Fédération irakienne de basket-ball.
"Et il a été élu meilleur joueur du championnat", abonde Khalil Yehya, l'entraîneur de Naft.
"Nous nous sommes dit que DeMario pourrait être un atout pour l'équipe nationale et nous lui avons proposé de devenir Irakien", explique aussi M. Najm. "Il a accepté".
Le gouvernement a fait le nécessaire et depuis deux mois, Mayfield joue sous sa nouvelle nationalité, reconnue par la Fédération internationale.
'Très peur'
"Je fais ce que j'aime", confie DeMario Mayfield, qui assure se sentir bien dans un pays pourtant considéré comme l'un des plus dangereux au monde.
"Au début, j'avais très peur de ce que je lisais dans les journaux mais je suis heureux d'avoir pris la décision de venir", dit-il. "Je n'ai toutefois pas l'intention d'y faire venir ma famille".
Sa femme et son jeune fils vivent en Floride et il a abandonné l'idée de les installer à Dubaï ou Amman.
Mayfield gagne quelque 70.000 dollars pour une saison d'environ cinq mois, plus 3.000 dollars pour jouer en équipe nationale.
"C'était donc une belle opportunité pour moi", résume-t-il.
A la question de savoir si ses coéquipiers sont au courant de son passé judiciaire, il répond sans hésiter: "Bien sûr! Tout est sur internet, nous en avons déjà parlé."
Mayfield vit à l'hôtel à Bagdad, il a un cuisinier et un chauffeur. Il affirme avoir des amis et va chaque jour dans un café pour boire un thé et discuter avec des gens.
Même s'il ne parle pas l'arabe, il a "appris le vocabulaire du jeu afin de communiquer avec (s)es coéquipiers".
'Comme un frère'
Mayfield a déjà joué deux matches pour son pays d'adoption en qualifications à la Coupe du monde (zone Asie). Fin novembre, l'Irak a battu l'Iran pour la première fois depuis 2009 grâce à son naturalisé américain (24 points, 10 rebonds). Mais l'équipe s'est ensuite inclinée au Kazakhstan.
Prochain rendez-vous: le 22 février contre le Qatar.
La route est encore très longue jusqu'à la phase finale de la Coupe du monde, prévue en 2019 en Chine, un niveau que l'Irak n'a jamais atteint.
"J'espère que nous allons continuer notre chemin", souligne DeMario Mayfield. "Mon but est d'atteindre le plus haut niveau de la compétition et d'inculquer à mes coéquipiers la culture du basket".
"Je serai toujours reconnaissant de l'opportunité que l'Irak m'a donnée", confie-t-il. "Je n'ai reçu que des signes d'amour depuis que je suis arrivé. On m'a traité comme un frère et les gens m'ont accueilli chez eux à la maison".
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