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Après sa grâce, Fujimori demande "pardon" aux Péruviens

Depuis son lit d'hôpital, l'ex-président péruvien Alberto Fujimori a demandé "pardon" pour les actes commis par son gouvernement (1990-2000), après la grâce controversée que lui a accordée le chef de l'Etat Pedro Pablo Kuczynski.

Après sa grâce, Fujimori demande "pardon" aux Péruviens
Alberto Fujimori - Anella RETA [AFP]

"Je reconnais que j'ai (...) déçu une partie de mes compatriotes. Je leur demande pardon du fond du coeur", a déclaré mardi M. Fujimori, 79 ans, dans une vidéo publiée sur Facebook.

Condamné à 25 ans de prison pour corruption et crimes contre l'humanité, l'ancien homme fort du Pérou, visiblement mal en point, est filmé sur son lit d'hôpital, blouse blanche et mains jointes sur le ventre, s'exprimant lentement et entouré d'appareils médicaux.

Dimanche, Pedro Pablo Kuczynski lui a accordé une grâce "humanitaire", alors qu'il s'était engagé durant sa campagne électorale de 2016 à ne pas le libérer.

Cette décision a provoqué une crise politique alors que le président venait jeudi d'éviter une destitution par le Parlement, après avoir reçu le soutien d'une partie du mouvement politique fondé par M. Fujimori, qui fait pourtant partie de l'opposition.

Encore traumatisés par les abus commis dans les années 90, plus de 5.000 Péruviens ont manifesté lundi soir à Lima contre cette grâce, exigeant la démission de "PPK" (acronyme et surnom de Pedro Pablo Kuczynski), qu'ils accusent d'avoir négocié politiquement cette mesure.

Il s'en est aussitôt défendu: "nous ne devons pas permettre qu'Alberto Fujimori meure en prison, car la justice, ce n'est pas la vengeance", a-t-il déclaré dans un message à la nation lundi soir.

"Cela a été la décision la plus difficile à prendre de ma vie", a assuré le président de centre droit, lui aussi âgé de 79 ans.

Président de 1990 à 2000, Alberto Fujimori, d'origine japonaise, purgeait depuis 2005 une peine de 25 ans de prison pour corruption et crimes contre l'humanité pour avoir commandité l'assassinat de 25 personnes aux mains d'un escadron de la mort durant la guerre contre les guérilleros du Sentier lumineux (extrême gauche maoïste).

Hospitalisé samedi pour arythmie et tension artérielle basse, il a quitté les soins intensifs mardi. "Il y a une évolution favorable, il n'est pas soigné, il n'est pas totalement rétabli. Il ne peut pas encore sortir" de l'hôpital, a déclaré à l'AFP son médecin, Alejandro Aguinaga.

Guzman malade lui aussi

Disant avoir été "surpris" par l'annonce de sa grâce, M. Fujimori a déclaré mardi avoir ressenti "un mélange de sentiments de grande joie et de chagrin".

Sa fille Keiko Fujimori, défaite de justesse face à M. Kuczynski en 2016 et à l'origine de la motion déposée pour le destituer, a salué "un grand jour pour ma famille et pour le fujimorisme. Enfin mon père est libre".

L'avocat du chef de la guérilla du Sentier Lumineux, Abimael Guzman, âgé de 83 ans, en a profité pour demander mardi la libération de son client, condamné à la perpétuité pour terrorisme. "Lui aussi a été condamné pour des faits de guerre interne et est malade", a justifié auprès de l'AFP Me Alfredo Crespo.

"Si vous, M. le président, graciez Fujimori sans suivre la procédure et sans l'avis d'une commission médicale impartiale, alors vous détournez cette procédure et vous piétinez le droit à la justice des proches" des victimes, a réagi Gisela Ortiz, sœur d'une victime de l'escadron de la mort, sur Twitter.

José Miguel Vivanco, directeur pour les Amériques de l'ONG Human Rights Watch, a lui aussi critiqué la mesure, sur Twitter: "L'idée restera pour toujours que sa libération a été une vulgaire négociation politique en échange du maintien de Pedro Pablo Kuczynski au pouvoir".

Le chef du bureau pour l'Amérique du sud du Haut commissaire de l'ONU au droits de l'homme, Amerigo Incalcaterra, a rappelé que la condamnation de Fujimori avait "marqué un tournant historique pour le Pérou et l'Amérique latine en matière de lutte contre l'impunité".

De nombreux analystes estiment que le geste de PPK pourrait se retourner contre lui.

"La parole du président a perdu toute sa valeur et il ne va plus être soutenu", a souligné l'expert politique Arturo Maldonado dans le journal El Comercio.

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