"Dehors, dehors PPK!" (acronyme et surnom du président Pedro Pablo Kuczynski, ndlr), ont scandé les manifestants descendus dans la rue à la tombée de la nuit après des appels relayés sur les réseaux socaux.
D'importantes forces de l'ordre avaient été déployées dans les rues de la capitale péruvienne pour empêcher les manifestants de rejoindre la clinique où Alberto Fujimori a été hospitalisé samedi pour arythmie et tension artérielle basse, et devant laquelle des centaines de ses sympathisants étaient massés pour fêter sa remise en liberté.
Selon son médecin traitant, le Dr Alejandro Aguinaga, Alberto Fujimori était toujours en unité de soins intensifs. Il souffre de "plusieurs pathologies dégénératives comme une fibrillation auriculaire, c'est un problème qui va en s'accentuant dans le coeur", a-t-il précisé.
Président de 1990 à 2000, M. Fujimori, 79 ans et d'origine japonaise, purgeait depuis 2007 une peine de 25 ans de prison pour corruption et crimes contre l'humanité pour avoir commandité l'assassinat de 25 personnes aux mains d'un escadron de la mort durant la guerre contre les guérilleros du Sentier lumineux (extrême gauche maoïste).
Dimanche, Pedro Pablo Kuczynski lui a accordé une grâce "humanitaire", alors qu'il s'était engagé durant sa campagne électorale de 2016 à ne pas le libérer.
Selon de récents sondages, 65% des Péruviens étaient favorables à une amnistie de l'ancien chef de l'Etat, figure qui déchaîne toujours les passions au Pérou.
'Jeu politique'
"Fujimori, assassin et voleur, non à la grâce", était-il écrit sur une des nombreuses pancartes portées par les manifestants marchant lentement derrière un énorme drapeau péruvien.
Des proches des victimes de la politique antiterroriste menée par celui-ci ont rejoint la manifestation.
"Tout fait partie d'un jeu politique, les raisons de santé (invoquées pour le grâcier) ne sont pas claires, nous sommes ici avec les proches (des victimes) pour dénoncer cette grâce illégale car elle ne correspond pas à la gravité des délits sanctionnés", a déclaré aux journalistes Gisella Ortiz, représentante d'un groupe de familles.
Le secrétaire exécutif de la Commission intermaméricaine des droits de l'Homme, Paulo Abrao, a également critiqué sur Twitter "une décision politique qui ignore la proportion entre l'amnistie et la gravité des crimes contre l'humanité". "C'est une offense aux victimes. Ce n'est pas une réconciliation. C'est simplement de l'impunité", a-t-il affirmé.
"Ce n'est pas possible de grâcier ces crimes. Le droit international le dit", a de son côté estimé Me Carlos Rivera, avocat de victimes de la politique antiterroriste de Fujimori.
Le président Kuczynski a grâcié Alberto Fujimori sur la base d'une recommandation médicale, trois jours après avoir échappé à une destitution lors d'un vote au Parlement.
Il était accusé d'avoir menti sur ses liens avec Odebrecht, le géant du BTP brésilien qui a reconnu avoir payé près de cinq millions de dollars à des entreprises de conseil directement liées au chef de l'Etat, alors ministre, entre 2004 et 2013.
Les adversaires de "PPK" avaient lancé une procédure de destitution express qui devait aboutir jeudi dernier par un vote. Deux tiers des voix étaient nécessaires pour le faire chuter, soit 87 sur 130. La demande de destitution "pour incapacité morale" avait finalement été rejetée, ne recueillant que 79 voix pour, 19 contre et 21 abstentions.
Derrière ce résultat, véritable claque pour la principale adversaire du président, Keiko Fujimori, fille d'Alberto Fujimori, se jouait une lutte d'influence au sein de son parti, Fuerza Popular, principale formation d'opposition, avec son frère Kenji.
Le vote a fait éclater au grand jour les divisions de Fuerza Popular puisque dix de ses représentants se sont abstenus, dont Kenji Fujimori.
Des rumeurs de négociations entre le gouvernement et les proches de l'ex-homme fort du Pérou sur une éventuelle grâce présidentielle circulaient avec insistance ces derniers jours.
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