"Il faut que cela cesse": pour Liny Suharlim, en charge du Yémen pour l'ONG Acted, "il est temps d'agir" tant la situation "empire".
"Le nombre de personnes dans le besoin a augmenté de plus d'un million ces six derniers mois, pour atteindre les 22 millions. C'est donc plus ou moins 80% de la population qui dépend de l'aide humanitaire pour les soins médicaux, l'eau, la nourriture", souligne-t-elle dans un entretien à l'AFP.
Le 26 mars 2015, neuf pays dirigés par l'Arabie saoudite lancent dans ce pays, déjà le plus pauvre du Moyen-Orient, l'opération "Tempête décisive" pour contrer la rébellion des Houthis.
Depuis, la guerre n'a fait que redoubler, attisée par Al-Qaïda et le groupe Etat islamique (EI), et un conflit par procuration entre l'Iran, allié des Houthis, et l'Arabie saoudite. Plus de 8.750 morts sont à déplorer mais le pire est à venir, soulignent les ONG.
"Une famine se profile", avertit Olivier De Schutter, ancien rapporteur spécial de l'ONU sur le droit à l'alimentation.
Déjà, 4,5 millions d'enfants et de femmes enceintes sont sévèrement malnutris, soit 148% de plus qu'avant la guerre, selon l'ONU. Au rythme actuel, 50.000 enfants devraient être morts pour la seule année 2017.
"Et cela n'a rien d'une catastrophe naturelle ou d'une conséquence des changements climatiques", souligne M. De Schutter, cosignataire d'un appel mondial à "agir d'urgence" lancé par 350 personnalités, dont l'actrice française Juliette Binoche, le chanteur britannique Peter Gabriel, la prix Nobel de la paix iranienne Shirin Ebadi...
"C'est entièrement imputable à des causes politiques — des gouvernements irresponsables et des grandes puissances dont l'inaction les renforce dans leur sentiment d'impunité. Tandis que toute une population est prise en otage, la diplomatie semble avoir laissé tomber ses efforts", accuse l'ancien responsable onusien.
'Ca ne fait pas le buzz'
Le Yémen "n'a pas suscité l'attention qu'on aurait pu attendre vu l'ampleur de la crise humanitaire", renchérit Caroline Anning, en charge du Yémen pour l'ONG Save the Children, qui lance également un appel au sursaut des dirigeants de la planète.
La crise humanitaire reste largement confinée au Yémen, donc invisible, en particulier parce que les Yéménites, coincés entre l'océan, le désert et des voisins peu accueillants, n'ont pas formé des cohortes de réfugiés, comme celles des Syriens qui ont sensibilisé le monde.
"C'est un conflit invisible, que le monde a oublié. Le Yémen, ce n'est pas la Syrie, ça ne fait pas le buzz", confirme Liny Suharlim, qui a bien conscience que "certains ont du mal à situer le Yémen sur la carte".
"Il faut mettre un terme à tout ça", assène la responsable d'Acted, ONG française, soulignant que "l'aide humanitaire seule" ne suffira pas.
"La solution politique est la seule valable", juge-t-elle, appelant en particulier à une levée du blocus total imposé depuis début novembre par l'Arabie saoudite.
Caroline Anning, tout récemment rentrée du Yémen, témoigne de "combats si violents qu'ils nous empêchent d'atteindre les enfants que nous aidons".
"La coalition saoudienne doit cesser ses bombardements et un accord de paix doit être signé. Cela peut arriver demain et sauver la vie d'enfants", lance-t-elle.
"Notre message est simple", écrivent les 350 personnalités signataires de "L'appel des 1.000 jours pour le Yémen", publié dans le quotidien français Le Monde de mardi.
"Si vous ne voulez pas avoir d'autres milliers de vies d'enfants sur la conscience, il est temps d'agir", ajoutent-ils, soulignant "la responsabilité particulière de la France, des Etats-Unis et du Royaume-Uni, en tant que membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies et principaux fournisseurs d'armes à l'Arabie saoudite et aux Emirats Arabes Unis".
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