Tôt mardi matin, le ministre de l'Intérieur s'est rendu au siège parisien de l'association France Horizon, pour accueillir en personne 25 réfugiés (érythréens, éthiopiens et soudanais) récemment exfiltrés de Libye.
"Comme vous le savez, la France a une tradition d'accueil des réfugiés", a-t-il lancé au dessus des croissants du petit-déjeuner à ces rescapés, premiers à bénéficier du programme de "réinstallation" de 3.000 personnes depuis l'Afrique lancé par Emmanuel Macron.
Avec ce déplacement non prévu à son agenda, le ministre de l'Intérieur venait défendre le volet "accueil" de sa politique d'immigration, éclipsé ces derniers jours par la polémique croissante autour du projet de recensement des migrants dans l'hébergement d'urgence.
"Non, la politique de la France n'est pas indigne", a-t-il lancé au Sénat lors des questions au gouvernement, alors que les défenseurs des étrangers dénoncent un contexte général de durcissement policier. Mais "autant nous devons accueillir celles et ceux qui sont victimes de la guerre, autant nous ne pouvons pas accueillir l'ensemble des migrants économiques", a-t-il ajouté.
Le Premier ministre Edouard Philippe a lui aussi défendu ce recensement, assurant que son "seul objet" est de "traiter en priorité ceux qui ont vocation" à obtenir le statut de réfugié.
Malgré ces interventions répétées, la polémique s'est poursuivie mardi sur le projet consistant à envoyer des "équipes mobiles" dans les centres pour recenser les personnes hébergées et les réorienter en fonction de leur situation (réfugiés, déboutés...)
L'idée avouée, du côté de l'Etat, est de rendre de la fluidité au dispositif saturé. "On ne demande pas aux associations de collaborer" et elles "ne fourniront pas de listes" non plus, a assuré M. Collomb, en rappelant que l'Etat "verse 2,1 milliards d'euros" pour cet hébergement d'urgence et que "le moins qu'on puisse dire au contribuable est à quoi sert son argent".
'Manque d'humanité'
Mais il a aussi souligné que "les déboutés auront le sort des déboutés, c'est-à-dire qu'à un moment donné ils seront éloignés" du territoire français. C'est l'une des craintes des associations qui, refusant de devenir des "annexes des préfectures" ont saisi lundi le Défenseur des droits.
Celui-ci a estimé mardi que "les dispositions sur le tri des migrants doivent être retirées, elles ne sont pas légales". La circulaire "n'est que la signature d'une politique à l'égard des étrangers qui manque d'humanité", a-t-il ajouté.
Si le ministre de l'Intérieur juge qu'il n'y a dans ce texte "rien de choquant", le chef de file des députés PS, Olivier Faure, a estimé que le gouvernement "remet en cause un droit fondamental".
Et le débat s'est élargi mardi aux députés LREM, dont certains ont exprimé leurs inquiétudes sur la situation des migrants lors d'une réunion à huis clos.
Selon des propos rapportés, le député de Ouistreham (Calvados), Christophe Blanchet, a dépeint la situation dans sa circonscription avec des enfants installés "à même le sol", tandis que Joël Giraud (Hautes-Alpes) évoquait le cas de migrants traversant la frontière et se retrouvant parfois avec "les extrémités gelées".
Face à ces inquiétudes, le chef de file du groupe LREM Richard Ferrand a appelé à ne pas "tomber dans le piège" de la polémique, où un point en apparence technique (l'examen de la situation administrative en hébergement d'urgence) en viendrait à phagocyter le débat.
Car derrière le recensement, c'est aussi le rapport de force autour de la loi "asile et immigration" qui se joue, alors que les derniers arbitrages sont en train d'être tranchés. Les critiques les plus virulentes portent sur l'allongement à 90 jours de la durée maximale de rétention et surtout sur la notion de "pays tiers sûr" (où un migrant pourrait être renvoyé), dans ce texte qui devait être envoyé au Conseil d'Etat "vers le 15 janvier" selon M. Collomb.
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