Cette investigation est l'une des plus importantes lancée jusqu'ici par Bruxelles à l'encontre d'une multinationale européenne soupçonnée de montages fiscaux.
Bruxelles a en effet fait de la lutte contre l'évasion fiscale l'une de ses priorités, comme l'avait notamment illustré à l'été 2016 le cas du géant Apple en Irlande.
Dans le collimateur de la Commission européenne: Inter Ikea, société qui exploite l'activité de franchise d'Ikea. "Nous allons procéder à un examen minutieux du traitement fiscal que les Pays-Bas leur ont appliqué", a expliqué l'exécutif européen dans un communiqué.
La Commission européenne craint en effet qu'Inter Ikea ait obtenu "des avantages fiscaux, dont ne peuvent bénéficier d'autres sociétés soumises aux mêmes règles fiscales aux Pays-Bas". Si c'est le cas, ce serait contraire au principe de concurrence, dont la Commission est la gardienne dans toute l'UE.
"Toutes les sociétés, grandes ou petites, multinationales ou non, doivent payer leur juste part d'impôts", a argué la commissaire européenne à la Concurrence Margrethe Vestager dans un communiqué.
Ikea a réagi en estimant être imposé "conformément aux règles européennes".
"Les Pays-Bas vont pleinement coopérer avec la Commission européenne pour l'aider dans son enquête", a promis de son côté un haut responsable néerlandais à Bruxelles, dans une déclaration à l'AFP.
La Commission européenne n'a pas donné de chiffre précis sur le montant des avantages fiscaux dont aurait pu bénéficier Ikea, mais, selon les eurodéputés verts, le géants suédois aurait évité de payer au moins un milliard d'euros d'impôts entre 2009 et 2014.
Pour son enquête, Bruxelles va se pencher plus particulièrement sur deux périodes: de 2006 à 2011, puis de 2011 jusqu'à aujourd'hui.
Pendant la première période, Inter Ikea a été autorisé par les autorités néerlandaises à verser une redevance de licence à une autre entité d'Ikea basée au Luxembourg. Ces revenus n'y étaient pas soumis à l'impôt.
Selon une source proche de la Commission, sont concernés plusieurs centaines de millions d'euros pour chaque année de la période.
Meubles d'arrangements
Pendant la seconde période, de fin 2011 à nos jours, après un changement de législation au Luxembourg imposée par Bruxelles, Inter Ikea a trouvé un nouvel arrangement avec les Pays-Bas. Cette fois-ci, il s'est entendu sur un prêt octroyé par une filiale basée au Liechtenstein, qui lui a également permis d'échapper à l'impôt.
Cette enquête de la Commission fait suite à un rapport publié par les eurodéputés verts en février 2016, dans lequel ils avaient dénoncé "la stratégie de planification fiscale agressive" du géant de l'ameublement suédois.
Les Verts -- qui avaient alors incité Mme Vestager et son homologue à la Fiscalité, Pierre Moscovici, à lancer une procédure d'examen afin de vérifier l'existence d'une possible infraction à la législation européenne sur la concurrence -- se sont félicités de la décision de la Commission.
"C'est un grand succès pour les Verts car c'est nous qui sommes à l'origine de cette enquête", a réagi auprès de l'AFP Sven Giegold, eurodéputé écologiste spécialiste des questions fiscales.
"Nous espérons que cela va aboutir à ce que Ikea soit sommé par la Commission européenne de rembourser" aux Pays-Bas les impôts qu'il n'a pas payé, a ajouté l'eurodéputé allemand, sans toutefois spéculer sur un quelconque montant.
M. Giegold s'est emporté contre les Pays-Bas, qu'il a qualifié de "plus grand paradis fiscal au monde pour les grandes entreprises". Une attitude fort regrettable, selon lui, pour un pays fondateur de l'Union.
A ce jour, la Commission européenne a conclu cinq enquêtes sur des pratiques fiscales jugées illégales, à la suite desquelles elle a ordonné à quatre pays (Luxembourg, Pays-Bas, Belgique, Irlande) d'exiger le remboursement d'avantages indus qu'elles ont accordé à de grandes entreprises, dont Starbucks (Pays-Bas), Apple (Irlande), Amazon et Fiat (Luxembourg).
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