Malgré "la lassitude, le découragement et le désespoir" qu'il confiait récemment éprouver après plus de 30 ans d'une carrière couronnée de plus de 120 acquittements, celui que les médias ont surnommé "acquittator" est toujours présent dans les grands rendez-vous.
Au procès de Georges Tron, accusé de viols et agressions sexuelles, il n'a pas hésité vendredi à révéler à l'audience le contenu d'une conversation privée dans laquelle le président de la cour d'assises, Régis Jorna, confiait à des avocats qu'il aurait préféré "que ce soit une femme qui préside".
Le magistrat n'a pas démenti et, après une longue suspension, a fini par accorder à la défense le renvoi du procès qu'il lui avait refusé quelques heures plus tôt, en invoquant l'impossibilité de tenir les délais des audiences prévues jusqu'au 22 décembre.
"Terrorisme judiciaire", ont alors dénoncé les parties civiles.
Mais "l'Ogre du Nord" en a entendu d'autres au cours de sa carrière, entamée à Douai en 1984 et qui l'a notamment amené à faire acquitter Roselyne Godard, la boulangère d'Outreau, Jacques Viguier, un universitaire accusé du meurtre de sa femme ou Jean Castela, accusé d'avoir commandité l'assassinat du préfet Erignac.
Plus récemment, c'est sa défense du frère de Mohamed Merah, Abdelkader qui a suscité les passions.
"Un honneur"
"C'est le procès le plus difficile de ma carrière. J'en ai pris plein la gueule, j'ai été insulté. On a dit que j'étais la honte de la profession, on a menacé mes enfants". Mais ça a été "pour moi un honneur" de le défendre, a-t-il dit sur France inter
Dans une autre émission, il avait expliqué ne pas être là pour la morale mais pour le droit et affirmé qu'il aurait pu défendre "l'homme Hitler" s'il lui avait demandé mais "à condition de ne pas justifier l'idéologie nazie".
Au procès Merah, seul contre une armada d'avocats des parties civiles, le ténor n'a jamais rien lâché, rendant coup pour coup dans une ambiance tendue marquée par les témoignages poignants des familles des victimes de Mohamed Merah.
Sa sortie sur la mère de Mohamed Merah, qui "elle aussi a perdu un fils", a été huée au procès et qualifiée "d'obscène" sur France inter, mais l'avocat assumera ses propos.
Car dans ces moments d'extrême tension, rien ni personne ne semble pouvoir l'arrêter dans la défense de son client.
Ainsi, il n'a pas hésité à obliger l'avocate générale à se lever pour s'exprimer, comme le veut la procédure qu'il connait par coeur et dont il se sert comme d'une arme d'intimidation massive.
Le président pour sa conduite des débats, certains avocats des parties civiles et les policiers qui témoignaient anonymement se sont vu eux aussi remonter les bretelles.
En 2014, dans un procès corse, l'avocat avait été jusqu'à interrompre le réquisitoire de l'avocate générale, provoquant un incident d'audience inédit.
"Vous trichez, c'est inadmissible. Quelle pièce, quel dossier, c'est déloyal!", avait-il lancé à la magistrate, éberluée, qui venait d'affirmer sans preuve aux jurés que l'appareil utilisé par la police pour détecter des traces de sang effacées n'était pas toujours efficace.
Auparavant, il avait quitté le banc des avocats pour s'installer, massif, sur un siège, sous les yeux du jury et de l'avocate générale. Il use souvent ainsi de sa présence physique intimidante pour mettre sous pression certains témoins à charge de l'accusation.
Car le procès, Eric Dupond-Moretti le reconnaît lui-même, c'est un peu comme du théâtre: "Il y a une sonnette quand la cour entre, des costumes, des décors, un ordre de passage, des actes parfaitement réglés, une liturgie", a-t-il récemment expliqué.
"La différence, c'est que je suis dans le réel avec des enjeux très lourds. Il n'y a pas de caméra que l'on peut arrêter. Ah, si les avocats avaient ça, à chaque fois que je plaide mal je demanderais qu'on coupe et je recommencerais", a-t-il récemment confié à l'occasion de la sortie d'un film de Claude Lelouch, "Chacun sa vie" où il incarne... un président d'audience.
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