"Nous, qui reconnaissons Jérusalem-Est comme capitale de la Palestine, devrions inciter les autres pays à reconnaître l'Etat palestinien sur la base des frontières de 1967 et avec pour capitale Jérusalem-Est", a déclaré le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu à l'ouverture d'une réunion des ministres des Affaires étrangères des pays de l'Organisation de coopération islamique (OCI), une structure panislamique qui compte 57 membres.
Cette réunion survient quelques heures avant un sommet des dirigeants des pays membres de l'OCI qui se tient à l'appel du président turc Recep Tayyip Erdogan, l'un des plus véhéments critiques de la décision de son homologue américain Donald Trump, annoncée le 6 décembre, de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël.
"La communauté des musulmans ne saurait garder le silence face à cette décision. Cette décision prise par les Etats-Unis est nulle et non avenue", a ajouté M. Cavusoglu.
L'annonce de M. Trump a suscité une réprobation quasi-unanime dans le monde et des manifestations de colère dans plusieurs pays du Proche-Orient.
Président en exercice de l'OCI, M. Erdogan espère unifier le monde musulman derrière sa ligne de fermeté face la décision américaine.
Mais la tâche s'annonce difficile, alors que le monde musulman est profondément divisé et que plusieurs pays de la région, comme l'Arabie saoudite, tentent de cultiver de bons rapports avec l'administration Trump sur fond d'hostilité commune envers l'Iran.
"Lors de ce sommet, nous allons envoyer un message fort", avait toutefois promis mardi M. Cavusoglu.
La mesure américaine a provoqué des manifestations dans plusieurs pays du Proche-Orient, et des violences dans les Territoires palestiniens et à Jérusalem. Quatre Palestiniens ont été tués et des centaines blessés depuis jeudi.
Condamnation d'usage ?
Mais alors que la plupart des dirigeants de la région se sont jusqu'à présent contentés d'émettre des condamnations d'usage, les observateurs estiment peu probable l'annonce de mesures fortes ou de sanctions à l'issue du sommet mercredi.
"Plusieurs pays majeurs du +monde musulman+ ne veulent pas entrer en confrontation avec les Etats-Unis, ni même avec Israël, dans un contexte de tensions confessionnelles croissantes avec l'Iran", explique Sinan Ülgen, président du Center for Economics and Foreign Policy (Edam), basé à Istanbul.
Pour les dirigeants de l'Arabie saoudite et d'autres pays du Golfe, contrer l'influence de l'Iran "est plus important que de prendre des mesures offensives qui pourraient mettre en péril les relations avec Washington", ajoute-t-il.
Les dirigeants turcs en sont conscients: "Nous avons (...) vu des réactions fort modestes de la part de certains pays" de la région, a ainsi déploré M. Cavusoglu mardi. "Certains pays arabes redoutent, semble-t-il, de défier" Washington, a-t-il dit.
Dans ce contexte, le sommet d'Istanbul devrait accoucher d'"une condamnation passe-partout", note Aaron Stein, de l'Atlantic Council.
La Ligue arabe s'était déjà contentée, lors d'une réunion le week-end dernier, d'émettre une condamnation verbale, appelant les Etats-Unis à "annuler leur décision sur Jérusalem".
Parmi la vingtaine de chefs d'Etat ayant répondu à l'appel de M. Erdogan figurent le président iranien Hassan Rohani, le roi de Jordanie Abdallah II, l'émir du Qatar cheikh Tamim ben Hamad al-Thani ou encore le Libanais Michel Aoun.
Le président palestinien Mahmoud Abbas était aussi présent au sommet d'Istanbul, où il a été reçu mardi soir par le M. Erdogan.
En froid avec la Turquie, mais ne pouvant esquiver un sommet consacré à Jérusalem, l'Egypte a envoyé à Istanbul son ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukry.
L'Arabie saoudite a annoncé qu'elle serait représentée à la réunion des chefs de la diplomatie par son ministre d'Etat en charge des Affaires étrangères, Nizar Madani, mais le niveau de sa représentation au sommet lui-même n'était pas encore connue mercredi matin.
Même s'il ne provoque pas de bouleversement, le sommet d'Istanbul devrait permettre à M. Erdogan de soigner son image de défenseur des musulmans dans le monde, des Palestiniens aux Rohingyas fuyant la Birmanie.
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