L'accusation tentera de renverser l'acquittement de cet homme devenu député qui refuse de venir depuis Belgrade pour assister à son propre procès, première audience dans ce bâtiment de La Haye depuis le suicide fin novembre en direct d'un accusé, Slobodan Praljak.
Ce Croate de Bosnie avait avalé du cyanure après avoir reçu la confirmation de sa condamnation à vingt ans de prison pour crimes de guerre lors du dernier jugement rendu par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) avant de clore ses portes.
Plus de 2.000 personnes ont assisté lundi à Zagreb à une cérémonie à la mémoire du criminel de guerre, symbole de la contestation de la justice internationale qui règne chez certaines populations de la région.
"Personne ne peut être comparé au grand homme qu'était Slobodan", a déclaré Miroslav Tudjman, fils du défunt Franjo Tudjman, premier président de la Croatie indépendante, qualifiant ce verdict de "dégradation de la justice internationale". "C'est une parodie, un théâtre de l'absurde."
Une semaine avant le suicide de Praljak, l'ex-chef militaire des Serbes de Bosnie Ratko Mladic avait été évacué de la salle d'audience après s'être lévé et avoir crié aux juges qu'ils mentaient lors de l'énoncé de son verdict. Condamné à la perpétuité, il a annoncé dans la foulée qu'il ferait appel.
Le jugement de Vojislav Seselj devrait être rendu au premier semestre 2018. Son procès en appel est l'une des premières affaires devant le Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux (MTPI), compétent pour reprendre toute affaire du TPIY.
'Plus rien à faire'
Déjà absent lors de son premier jugement, cet admirateur du président américain Donald Trump et du fondateur du Front National français Jean-Marie Le Pen a dit n'avoir "plus rien à faire avec (ce) tribunal".
"J'ai passé douze ans à La Haye à attendre que le tribunal prouve les accusations qui pèsent contre moi", a déclaré à l'AFP Vojislav Seselj, joint par téléphone. "Puisque j'ai été acquitté en première instance, je ne vois pas ce qu'il reste pour ce Mécanisme, ce qu'il peut faire avec mon verdict."
Il avait été acquitté à la surprise générale en mars 2016 par le TPIY de neuf chefs d'accusation pour nettoyage ethnique contre des Croates, des musulmans et autres non-Serbes dans les années 1990: le tribunal avait estimé qu'il n'était pas "le chef hiérarchique" des milices de son Parti radical serbe (SRS).
Mais ce jugement comportait des "erreurs de grande envergure" et des "manquements fondamentaux" selon le procureur Serge Brammertz, qui avait rapidement interjeté appel. Son bureau devra convaincre mercredi les cinq juges que, comme l'a dit l'accusé lui-même, "les mots peuvent être une arme redoutable".
Pour ses détracteurs, Vojislav Seselj, 63 ans, a personnifié le nationalisme serbe lors des conflits des Balkans, les alimentant par ses discours enflammés. Il avait ainsi encouragé ses troupes à "n'épargner personne" lors du siège de la ville croate de Vukovar en 1991 et qualifié les musulmans d'"excréments" un an plus tard à Mali Zvornik, en Serbie.
Droit international bafoué
Selon le procureur, il a "propagé une politique visant à réunir tous +les territoires serbes+ dans un Etat serbe homogène, qu'il appelait la +Grande Serbie+" et fut le membre de l'"entreprise criminelle commune" aux côtés notamment de l'ex-président serbe Slobodan Milosevic, décédé en 2006 dans sa cellule à La Haye.
Pour l'accusation, le faucon ultranationaliste est pleinement responsable en raison de ses appels aux meurtres, persécutions, transferts forcés de populations et tortures, lors d'une guerre qui a fait 20.000 morts en Croatie et 100.000 en Bosnie.
Les juges avaient néanmoins estimé que ses discours ne procédaient pas d'un dessein criminel mais étaient destinés à renforcer le moral des troupes.
Homme massif à la mèche argentée peignée sur le côté, Seselj avait accueilli triomphalement cet acquittement "honorable et juste" rendu par un tribunal que ce maître provocateur avait autrefois accusé d'exercer des "rites sataniques".
Les experts y voyaient un droit international bafoué et une réécriture de l'Histoire.
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