Le démocrate Doug Jones a battu l'ancien magistrat ultra-conservateur Roy Moore à l'issue d'une campagne virulente qui a captivé l'Amérique et va priver le parti au pouvoir d'un précieux siège à la chambre haute du Congrès.
Selon des résultats quasi-complets, Doug Jones a obtenu 49,5% des voix, contre 48,8% pour Roy Moore.
Le revers est très personnel pour le président des Etats-Unis, qui avait appelé ses partisans à la loyauté au nom de la poursuite de son programme de réformes.
Jamais depuis 1992 un démocrate n'avait été élu sénateur dans cet Etat du Sud.
"Merci l'Alabama!" a tweeté le sénateur élu Doug Jones, un ancien procureur fédéral de 63 ans, qui s'était fait connaître en faisant condamner des membres du Ku Klux Klan qui avait incendié une église noire, tuant quatre fillettes.
Acclamé par ses partisans, il a salué une victoire de l'"état de droit" et de la "décence".
Immédiatement, la victoire a été accueillie par une avalanche de félicitations démocrates.
"Nous venons d'observer le triomphe de la dignité sur l'esprit partisan, et de l'intégrité sur le trumpisme", a écrit le sénateur Chris Van Hollen. "Le pays n'oubliera pas que l'Alabama a voté pour l'espoir, et que Trump s'est rangé du côté d'un agresseur sexuel présumé d'enfants qui voulait ramener l'Amérique en arrière".
"Vous ne pouvez prétendre être le parti des valeurs familiales tant que vous accepterez des hommes ignobles comme Roy Moore", a déclaré le président du parti démocrate, Tom Perez.
L'exploit de Doug Jones donne des ailes au parti d'opposition, qui a déjà obtenu un carton plein le mois dernier lors d'une série d'élections dans le pays.
"Si les démocrates peuvent gagner dans l'Alabama, nous pouvons, et nous devons, concourir partout", s'est réjouie Hillary Clinton.
Bannon cible des critiques
M. Trump avait fait fi des allégations contre Roy Moore dans le but de conserver ce siège, afin d'améliorer les chances d'adoption, à court terme, de la grande baisse d'impôts en train d'être examinée au Congrès.
C'est la seconde mauvaise soirée électorale pour le président en un mois: en novembre, les démocrates ont remporté plusieurs scrutins pour des postes de gouverneurs ou d'autres sièges locaux.
Au quartier général de Roy Moore, à Montgomery, les partisans ont accueilli la nouvelle en silence. "Nous n'avons pas déclaré de vainqueur", a déclaré un responsable de la campagne.
Désormais, la majorité républicaine au Sénat sera de 51 sièges sur 100, réduisant sa marge de manoeuvre au quasi-minimum.
Pour le parti républicain, la défaite de leur candidat est aussi, paradoxalement, un soulagement, car elle lui évite d'avoir à gérer le cas Moore.
Le chef du Sénat, Mitch McConnell, avait prévenu que Roy Moore, en cas d'élection, ferait immédiatement l'objet d'une enquête de la commission éthique de la chambre haute du Congrès - une enquête qui aurait risqué de diviser le parti, a fortiori si la commission recommandait l'exclusion.
A l'exception notable de Donald Trump, la plupart des élus républicains avaient coupé les ponts avec Roy Moore après la publication de témoignages de femmes, afin d'éviter d'être sali par association. S'attirant les foudres des forces anti-establishment emmenées par Stephen Bannon, l'ex-conseiller de la Maison Blanche qui est en guerre ouverte contre les leaders du parti républicain.
Les démocrates auraient sans doute utilisé la présence de Roy Moore au Sénat comme une arme électorale en 2018, année au cours de laquelle des élections législatives doivent renouveler la totalité de la Chambre des représentants et le tiers du Sénat.
Avant même la proclamation des résultats, les couteaux étaient déjà sortis à droite, notamment contre Stephen Bannon, qui a fait émerger Roy Moore au moment de la primaire, contre un candidat de l'establishment républicain.
"Je voudrais simplement remercier Steve Bannon pour nous démontrer comment on peut perdre l'Etat le plus rouge (républicain) de l'union", a tweeté, sarcastique Josh Holmes, l'ancien bras droit de Mitch McConnell.
David French, un auteur conservateur, avait un autre qualificatif amer pour le stratège populiste: "un génie".
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