Elle rêvait d'être joueuse de basket, mais a été tuée dans la cour de son école, après un entraînement.
À Rio, les fusillades peuvent éclater à tout moment et les habitants confinés dans les favelas, quartiers pauvres et souvent insalubres, sont comme pris au piège, à la merci des balles de Kalachnikov et autres armes redoutables.
L'AFP a recueilli les témoignages de familles de victimes comme Maria Eduarda et de personnes meurtries dans leur chair, témoignages compilés dans un support multimédia intitulé "Balles perdues, les vies fauchées des habitants de Rio".
Avec près de 60.000 meurtres par an, le Brésil est l'un des pays les plus violents au monde et Rio en est un des exemples les plus emblématiques, un an après avoir accueilli les jeux Olympiques de 2016.
Dans la "Ville Merveilleuse", une balle perdue peut trouver sa cible de jour comme de nuit, à la sortie d'une église, dans un parc ou un restaurant.
Même chez eux, les habitants des favelas ne sont pas forcément à l'abri: les murs de leurs maisons construites de façon précaire sont parfois trop fins pour protéger de l'impact de gros calibres.
Il n'existe pas au Brésil de statistiques officielles sur les victimes de balles perdues, mais la presse ne cesse de se faire l'écho de ces drames.
Le quotidien O Globo a dénombré pas moins de 632 personnes atteintes par des balles perdues lors du premier semestre 2017 dans l'État de Rio, dont 67 sont mortes.
'Énormément de sang'
Maria Eduarda Alves da Conceiçao, l'adolescente qui rêvait de devenir joueuse de basket, a trouvé la mort le 30 mars dernier, touchée par deux balles dans la tête et une autre à la cuisse.
Des policiers tiraient à l'arme automatique sur des hommes soupçonnés de trafic de drogue. Une rafale est passé à travers les grilles du collège.
Sur le coup, les agents ne se sont certainement pas rendus compte de ce qui s'était passé. Ils étaient trop occupés à achever les suspects qu'ils avaient blessés, comme le montre une vidéo amateur qui a déclenché un tollé au Brésil.
Maria Eduarda, elle, était déjà morte quand sa mère a pu la prendre dans ses bras. "Son petit corps était encore chaud. Il y avait énormément de sang", a raconté à l'AFP Rosilene Alves Ferreira, 53 ans.
'Logique de mort'
Selon l'ONG locale Rio de Paz, 42 enfants ont été tués par des balles perdues ces dix dernières années.
Certains sont morts dans la voiture de leurs parents, d'autres en jouant au football, en courant derrière une capsule de bouteille dans la rue, et même dans leur sommeil.
Depuis janvier, dix enfants ont été fauchés, presque autant que sur toute l'année 2016. Sept avaient été tués en 2015, contre dix lors des cinq années précédentes.
Pour Antonio Carlos Costa, fondateur de Rio de Paz, la flambée de violence s'explique dans une certaine mesure par les guerres entre gangs lourdement armés dans des zones ayant une forte densité de population.
Mais elle n'atteindrait pas ces niveaux sans un autre facteur: la brutalité des forces de l'ordre, qui considèrent les favelas comme des zones de guerre.
"Les incursions policières suivent une logique de mort. Ils tirent d'abord et voient ce qui se passe après. Ils ont perdu de vue les risques encourus par les civils", estime-t-il.
Les policiers, eux, rejettent la faute sur les narcotrafiquants, qui contrôlent des quartiers entiers à la pointe du fusil. Depuis le début de l'année, 126 agents ont été tués.
La police est aussi touchée par la grave crise financière de l'État de Rio, qui peine à payer ses fonctionnaires, alors que des sommes astronomiques ont été détournées par des politiciens corrompus.
Mais pendant que les débats sur la politique de sécurité font rage, des enfants comme Maria Eduarda demeurent plus vulnérables que jamais.
"Je sais que les policiers ne visaient pas ma fille, mais ce sont eux qui l'ont tuée", dénonce sa mère.
L'enquête de l'AFP comprend huit témoignages, parmi eux les parents de plusieurs enfants tués et des personnes blessés par des balles perdues.
Le support multimédia est visible sur le lien:
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