"Paris a aujourd'hui à prendre la mesure de ce qui se passe en Corse", a appelé de ses voeux la tête de liste Pè a Corsica, l'autonomiste Gilles Simeoni, à l'annonce du score historique des nationalistes qui ont remporté l'élection territoriale avec 56,5% des suffrages exprimés.
Ils disposeront de 41 des 63 sièges à l'Assemblée de Corse ainsi que des 11 sièges du conseil exécutif, le mini-gouvernement de l'île de Beauté. Seul bémol, un électeur sur deux seulement s'est déplacé, avec une participation de 52,6%.
L'allié de M. Simeoni au sein de Pè a Corsica, l'indépendantiste Jean-Guy Talamoni, a d'emblée mis en garde le gouvernement : "si Paris manifeste à nouveau un véritable déni de démocratie, nous serons contraints de susciter des manifestations populaires en Corse bien sûr mais également de faire le tour des capitales européennes pour dire que la France, qui donne des leçons de droits de l'homme au monde entier, a cette attitude anti-démocratique en traitant par le mépris le suffrage universel".
Deux lignes qui illustrent la "répartition des rôles entre les deux figures du nationalisme", estime à l'AFP Jérôme Fourquet, directeur du département opinion à l'Ifop et auteur de "La nouvelle question corse".
'Félicitations républicaines'
"Le modéré Simeoni avance dans la gestion et la négociation avec Paris en essayant de rassurer (...) et dans le même temps, il faut aussi inscrire le rapport de force et mettre un peu la pression sur Paris, ce à quoi s'emploie Talamoni", explique M. Fourquet, ajoutant que la "deuxième fonction" de l'élu est de "s'adresser à la frange la plus dure du mouvement +natio+".
Le Premier ministre Edouard Philippe a adressé à Gilles Simeoni des "félicitations républicaines" et s'est dit prêt à le recevoir à Paris "dès l'installation de la nouvelle collectivité", le 1er janvier prochain, a indiqué l'entourage du chef du gouvernement à l'AFP.
Une réponse "appréciée" par l'homme fort de l'Île de Beauté mais jugée insuffisante, a ensuite précisé M. Simeoni : "Je lui ai dit qu'au-delà de la politesse protocolaire, nous attendions et espérions un véritable dialogue avec l'Etat et que jamais les conditions n'avaient été aussi favorables pour que la question corse (...) se règle de façon apaisée et durable".
Les nationalistes préconisent l'obtention d'un statut d'autonomie sous trois ans et sa mise en oeuvre en dix ans, se traduisant par la "dévolution d'un véritable pouvoir législatif et fiscal, reconnu aussi bien par l'Etat que par l'Union européenne".
Leurs attentes portent également sur trois dossiers prioritaires : la co-officialité de la langue corse, la création d'un statut de résident et l'amnistie pour les "prisonniers politiques" et les recherchés.
"Ces trois dossiers impliquent des ruptures totales ou entrent en contradiction flagrante avec les grands principes constitutionnels et institutionnels français", souligne M. Fourquet.
"Pour la co-officialité de la langue corse, il faudrait changer la constitution française", note-t-il. Sur la question des prisonniers politiques, on touche à "l'indépendance de la justice" et sur le statut de résident, il s'agirait d'une "entorse à l'égalité des citoyens".
Mais il "est peut-être envisageable que Paris fasse un geste ou aille dans le sens des requêtes sans leur accorder une pleine et entière satisfaction", avance l'expert, citant l'octroi possible de davantage de moyens pour l'apprentissage de la langue corse. Sur la question des prisonniers politiques, "l'étape intermédiaire est le rapprochement" des détenus à la maison d'arrêt de Borgo en Corse.
"Sans que cela soit très coûteux symboliquement, ça peut être envisagé pour un certain nombre d'entre eux pour montrer la bonne volonté du gouvernement français", estime M. Fourquet.
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