"Pour nous, c'est comme gagner la Coupe du monde", lance Gennaro Gattimolo, pizzaïolo de 57 ans, le tablier et les mains couverts de farine.
Rita Rollen, une retraitée, s'est emmitouflée pour affronter le froid du petit matin et venir participer à l'euphorie: "Je suis vraiment heureuse. Au lieu de la Camorra (la mafia napolitaine), nous sommes reconnus pour quelque chose de positif pour une fois ! Quelque chose de délicieux !"
"Il n'y a pas mieux que célébrer avec de la pizza au petit déjeuner", assure Marco Toeldo, 47 ans, qui en est à sa 3e part.
Dans une ville pourtant très superstitieuse, la fête avait commencé dès mercredi soir devant la pizzeria Sorbillo. "Après 250 ans d'attente, la pizza est inscrite à l'héritage de l'Unesco ! Bravo Naples !", a lancé un pizzaïolo, Enzo Coccia, sous les applaudissements de la foule.
Même la défaite de Naples en Ligue des champions dans la soirée n'avait pas douché l'enthousiasme des amoureux de la pizza: des disques de pâte ont dansé dans les airs pour célébrer cet art qui va des fours à bois utilisés pour la cuisson à cette manière spectaculaire de manier la pâte pour l'oxygéner.
"Depuis des siècles, l'art napolitain de la pizza se base sur quelques éléments clés: de l'eau, de la farine, du sel et de la levure... et les excellents produits de la Campanie tout autour", a expliqué M. Coccia.
"Mais ce sont aussi les mains, le coeur et l'âme du pizzaïolo qui nous permettent de faire de la magie", a-t-il ajouté, décrivant le maniement de la pâte dans les airs comme "un amour et une passion que nous transmettons aux autres".
L'humble ancêtre de la pizza n'était au départ qu'un pain plat saupoudré d'un peu de lard et relevait moins d'un acte d'amour que du besoin de nourrir à peu de frais les masses de pauvres de la ville, selon l'historien Antonio Mattozzi.
Halte aux hérésies
Les premières vraies pizzas apparaissent avec l'arrivée des tomates d'Amérique et leur entrée dans les cuisines. "A la fin du XVIIIe siècle, les premières pizzerias étaient nées", raconte-t-il.
Mais il a fallu attendre encore un siècle et la reine Margherita pour que ce grand succès local s'exporte au-delà de la baie. En visite à Naples avec son mari le roi Umberto 1er en 1889, elle avait demandé à goûter la pizza pour gagner le coeur des Napolitains.
Selon la légende, la version proposée par le chef Raffaele Esposito, intégrant tomates, mozzarella et basilic, aux couleurs de la toute jeune Italie, l'a conquise.
Pour l'occasion, cette pizza qui a gardé le nom de la reine a été de nouveau cuisinée mercredi dans le même four royal au palais de Capodimonte, désormais devenu un musée sur les hauteurs de Naples.
Selon Gino Sorbillo, un pizzaïolo participant à l'opération, lui et ses collègues partagent volontiers trucs et secrets "ceux qui le veulent puissent faire une bonne pizza napolitaine".
L'idée étant d'abord de tordre le cou à quelques hérésies comme le fait d'étaler la pâte avec un rouleau ou d'ajouter de l'ananas sur la pizza.
"Il y a des jeunes de toutes les cultures qui nous contactent et nous demandent d'apprendre", a-t-il ajouté.
"La pizza est devenue un patrimoine universel, beaucoup dans le monde ne savent même pas que c'est italien", a assuré le ministre italien de la Culture, Dario Franceschini, en mordant dans une part de pizza tout juste sortie du four royal.
"Cette décision de l'Unesco va établir la vérité une fois pour toutes: la pizza est un plat mondial, mais elle est née à Naples, dans ce four", a-t-il ajouté.
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