"C'est extraordinaire la gériatrie", assure à l'AFP Manon Loubière, 24 ans et membre de la toute première fournée d'internes découvrant depuis novembre le nouveau DES (diplôme d'études spécialisées) dédié.
Un enthousiasme qui a de quoi réjouir la profession, victime d'un déficit d'image. Réunie au congrès de la société française de gériatrie et de gérontologie (SFGG), elle recevait mercredi la ministre de la Santé Agnès Buzyn.
Créé par la réforme du 3e cycle des études médicales, avec le DES d'urgentiste ou encore d'allergologie, le DES gériatrie place cette jeune discipline, officiellement reconnue en 2004, au rang de spécialité à part entière, au même titre que la médecine générale ou la cardiologie.
Avant cela, les médecins devaient suivre une formation complémentaire de deux ou trois ans (DES complémentaires ou capacité de gériatrie, qui vont disparaître) en plus de leur spécialité initiale, comme les quelque 1.850 gériatres en exercice.
Manon s'est tournée vers cette filière "par choix", à la grande surprise de ses proches, qui l'auraient bien vue dans une "spé plus prestigieuse" comme la chirurgie. Mais sur les 200 postes ouverts cette année, 29 n'ont pas été pourvus et beaucoup l'ont été "par défaut", déplore la jeune fille.
"Lourde, parfois même peu ragoûtante, la gériatrie n'attire pas de prime abord", concède Olivier Le Pennetier, ancien président du premier syndicat d'internes (Isni), citant "les patients polypathologiques, pour qui les traitements ne sont pas forcément efficaces" ou encore la "projection de soi ou de ses proches" sur les aînés en perte d'autonomie.
Consciente du problème, l'Association des jeunes gériatres hospitaliers (AJGH) s'est lancée cet été dans une opération séduction pour vanter "une discipline jeune, dynamique, ambitieuse", au-delà "des vieux, des couches, des troubles cognitifs" et autres "clichés". Vous pourriez devenir "le Dr House du sujet âgé", suggère-t-elle, photo d'une mamie faisant les cornes du diable, signe de ralliement des rockeurs, à l'appui.
'Epidémie de centenaires'
"Transversalité", travail en équipe, possibilités de recherche "infinies" sur le grand âge pour les "âmes de pionnier"... les gériatres ne manquent pas d'arguments.
"Cardiologie, pneumo, rhumato, oncologie... la gériatrie ça permet vraiment de tout balayer", fait valoir Manon. "Il y a vraiment des spécificités chez les patients âgés (risque d'interactions médicamenteuses dangereuses, complications...). Et puis, les personnes âgées, moi j'adore, elles sont trop drôles, elles ont plein de choses à nous raconter", souligne la jeune femme.
"On a envie de leur donner encore plein d'années à vivre", abonde Margaux Baqué, interne en médecine générale de 26 ans qui se surspécialise en gériatrie.
"C'est assez passionnant", confirme Julie Dubuc, 24 ans, consciente que sa "spé" lui offrira "beaucoup d'opportunités".
Reste une grande "méconnaissance" qu'espère pallier le Dr Guillaume Ducher, président de l'AJGH, pour qui la création du DES est "une bonne chose".
Un avis que ne partage pas forcément le gériatre Christophe Trivalle. Désormais, les étudiants devront s'orienter d'office vers cette filière "qui ne fait pas rêver" sans y avoir forcément goûté au préalable lors de stages.
En outre, avec la disparition future de la capacité et du DESC, "le nombre de gériatres formés va être divisé au moins par deux", passant de 450 à 200, s'inquiète-t-il.
Ces 200 postes sont d'ores et déjà insuffisants au regard des "250 places de praticiens hospitaliers à pourvoir chaque année", explique le professeur Olivier Guérin, vice-président de la SFGG, sans parler des maisons de retraite ou du privé.
Par ailleurs, difficile de comprendre "qu'il n'y ait pas de stage obligatoire en gériatrie" pour les futurs généralistes. "Ce sont ces patients-là qu'ils verront le plus".
Les enjeux du vieillissement sont "monstrueux", insiste le professeur, rappelant qu'"une épidémie de centenaires" se profile à l'horizon des années 2050.
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