L'Eglise birmane défend la prix Nobel de la paix face aux multiples critiques internationales sur son manque d'empathie affiché pour les Rohingyas victimes de violences dans l'ouest du pays.
Lundi, la ville anglaise d'Oxford où Aung San Suu Kyi a vécu lui a retiré le prix de la liberté qu'elle lui avait décerné, en raison de son "inaction" face à l'oppression des Rohingyas.
Depuis fin août, pour fuir viols, meurtres et tortures perpétrés par des soldats birmans et des milices locales, plus de 620.000 musulmans rohingyas se sont réfugiés au Bangladesh.
Mardi, ce seront des retrouvailles pour le souverain pontife et Aung San Suu Kyi après une rencontre très amicale en mai dernier au Vatican.
Le pape est arrivée mardi après-midi à Naypyidaw, après une journée à Rangoun où il a été accueilli par des enfants aux vêtements colorés, issus de diverses communautés de ce pays toujours secoué par des conflits ethniques.
Dans la capitale administrative birmane, le souverain pontife argentin sera reçu par le président Htin Kyaw, un proche d'Aung San Suu Kyi, puis par celle qui est officiellement ministre des Affaires étrangères mais de facto chef du gouvernement.
Le discours qu'il doit ensuite prononcer devant les autorités civiles du pays, des représentants de la société civile et du corps diplomatique, est très attendu.
Le pape s'est en effet ému à plusieurs reprises du sort réservé aux Rohingyas, "torturés et tués en raison de leurs traditions et de leur foi" en Birmanie. Mais il semble peu probable qu'il s'exprime aussi librement sur le sol birman.
L'Eglise catholique locale est soucieuse de ne pas contrarier une population majoritairement bouddhiste, marquée par un nationalisme bouddhiste antimusulman et vent debout contre les critiques de la communauté internationale sur le sort de la minorité ethnique musulmane des Rohingyas.
- 'Soutenir ceux qui souffrent' -
Le puissant chef de l'armée Min Aung Hlaing a assuré au pape lors d'une "rencontre de courtoisie" que son pays n'exerçait "aucune discrimination religieuse" et que l'armée agissait "pour la paix et la stabilité du pays".
D'après les Nations unies, l'armée procède dans l'ouest de la Birmanie à "épuration ethnique" contre les Rohingyas.
Chacune des paroles du pape François sera donc examinée à la loupe.
Le fait de savoir si le pape évoquera directement l'exode des musulmans de l'ouest et ira jusqu'à prononcer le mot "Rohingyas", tabou pour les Birmans lors de sa visite, suscite toutes les interrogations.
Craignant notamment une réaction des bouddhistes extrémistes, l'archevêque de Rangoun, Charles Bo, premier cardinal du pays, lui a recommandé d'éviter le mot et de parler plutôt des "musulmans de l'Etat Rahkine".
Cette terminologie officielle, neutre, est celle que souhaiterait imposer Aung San Suu Kyi pour éviter la guerre sémantique entre l'appellation "Bangladais" (utilisée par la majorité bouddhiste en Birmanie) et "Rohingyas" (employée par ces musulmans pour se désigner).
"Même s'il ne peut pas dire le mot, nous savons tous qu'il est là pour les Rohingyas... Nous devons soutenir les pauvres, ceux qui souffrent", a déclaré à l'AFP une religieuse catholique de Thaïlande voyageant à Rangoun, pour la grande messe qu'y donnera le pape mercredi.
Mardi matin, l'infatigable partisan du dialogue interreligieux a démarré sa journée par une rencontre "privée" à Rangoun avec des dirigeants religieux, bouddhistes, hindouistes, chrétiens, musulmans et juifs.
La conversation a porté sur l'unité malgré la diversion. Une "très, très beau discours", d'après Sammy Samuels, un représentant de la communauté juive du pays.
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