Car la fanfare militaire et la présence annoncée d'une quinzaine de chefs d'Etat dans un stade de la capitale Nairobi, où le président doit sceller dans la matinée son maintien à la tête du pays pour cinq années supplémentaires, sont l'arbre qui cache la forêt.
Cette prestation de serment signale certes la fin d'une saga électorale marquée notamment par l'invalidation en justice du scrutin du 8 août, mais le pays sort meurtri de cet exercice démocratique, qui lui a rappelé ses profondes fractures ethniques, géographiques et sociales.
L'opposition répète de la sorte à l'envi ne pas reconnaître la victoire de M. Kenyatta, évoque une "dictature" et a promis de poursuivre une campagne de "désobéissance civile" suivie jusqu'à présent de manière très inégale par ses partisans.
Selon un comptage de l'AFP, les violences ayant accompagné le processus électoral ont fait au moins 56 morts depuis le 8 août, principalement dans la brutale répression des manifestations de l'opposition par la police. Loin toutefois des quelque 1.100 morts des violences politico-ethniques ayant suivi l'élection de 2007.
'Escrocs'
Cette crise politique avait paradoxalement débuté par une décision historique de la Cour suprême, le 1er septembre: saisie par l'opposition, elle évoque des irrégularités dans la transmission des résultats et invalide la présidentielle du 8 août. Une première en Afrique.
Le jugement est salué comme une opportunité pour les hommes politiques kényans de renforcer la démocratie, mais ces derniers n'auront redoublé d'efforts que dans leurs violentes invectives.
Sonné par ce jugement inattendu qui accable la Commission électorale, Uhuru Kenyatta a qualifié les juges d'"escrocs". Son rival Raila Odinga a de son côté crié à la fraude électorale et martèlé que l'assassinat fin juillet d'un responsable informatique de la Commission électorale a été perpétré afin de faciliter le trucage du scrutin.
C'est donc dans un climat politique délétère que M. Kenyatta, 56 ans et au pouvoir depuis 2013, est proclamé vainqueur de la nouvelle présidentielle, organisée le 26 octobre.
Lorsque la Cour suprême valide finalement ce nouveau scrutin, lundi 20 novembre, le contraste est saisissant entre la liesse qui s'empare de certains fiefs de M. Kenyatta, et les manifestations réprimées dans certains bastions de son opposant, dans l'ouest du pays et certains bidonvilles de Nairobi.
Moins d'un euro
La victoire de M. Kenyatta avec 98% des voix à l'élection d'octobre est par ailleurs ternie par une faible participation (39%) en raison du boycottage de l'opposition, qui estimait qu'elle ne pouvait en aucun cas être libre et équitable.
Les partisans de M. Odinga ont même empêché la tenue du scrutin dans quatre comtés de l'ouest (sur les 47 que compte le pays) acquis à la cause de l'opposant.
Car dans les fiefs de Raila Odinga, de l'ethnie Luo, cette crise a renforcé le sentiment d'avoir été déclassé, discriminé et laissé pour compte depuis l'indépendance en 1963, principalement par rapport à l'ethnie kikuyu, celle de M. Kenyatta, qui a donné au Kenya trois de ses quatre présidents.
Pour certains observateurs, cette crise est également le signe d'un fossé croissant entre les élites politiciennes et le peuple, dont une majorité silencieuse aspire à ce que le pays tourne la page.
L'économie du pays a été durement affectée par la discorde, et nombreux sont ceux qui se plaignent d'une baisse des revenus, notamment dans les bidonvilles où beaucoup vivent déjà en temps normal avec moins d'un euro par jour.
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