- Qui sont-ils?
Le sit-in a démarré le 6 novembre à Islamabad, quand quelque 2.000 sympathisants d'un groupe religieux presque inconnu, le Tehreek-i-Labaik Yah Rasool Allah Pakistan (TLYRAP), ont bloqué la principale autoroute d'accès à Islamabad, un axe stratégique.
Le TLYRAP, créé récemment, est issu de la secte barelvi, liée au soufisme, un mouvement mystique de l'islam perçu comme modéré.
Mais l'exécution l'année dernière de l'un de leurs membres, Mumtaz Qadri, pour l'assassinat du gouverneur libéral du Pendjab Salman Taseer en raison de ses positions sur la loi sur le blasphème, a conduit certains d'entre eux à adopter une ligne dure à ce sujet.
Leur leader, le mollah Khadim Hussain Rizvi, longue barbe grise et habit traditionnel, est connu pour ses exagérations verbales. Il a notamment accusé les autorités d'obéir à un "agenda secret" dicté par "les juifs et les chrétiens" parce qu'elles souhaitaient déloger ses ouailles.
- Que veulent-ils?
Aux prémisses du mouvement, un amendement du gouvernement modifiait légèrement le serment que doivent prêter les candidats à une élection.
Pour le TLYRAP, ce changement, même marginal, sur lequel le gouvernement est d'ailleurs revenu très rapidement, visait à permettre la participation aux scrutins des Ahmadis, une secte dont les membres sont persécutés et considérés comme des hérétiques aux croyances blasphématoires, un sujet ultra-sensible dans le très conservateur Pakistan.
Il a donc organisé un rassemblement pour exiger la démission du ministre de la Justice. Puis après des semaines de manifestation et alors que la police tentait samedi de déloger ses manifestants, ses mollahs ont appelé les Pakistanais à les rejoindre pour "défendre l'honneur du prophète".
Dans un pays "dans l'ensemble radicalisé", où les derniers gouvernements n'ont "jamais remis en question l'autorité des petits groupes religieux", l'Etat, incapable d'expliquer que l'amendement ne relevait pas de la religion mais de la "gouvernance", est désormais "placé en position d'accusé", souligne l'expert en questions socio-religieuses Khurshid Ahmad Nadeem.
D'après sa page Facebook, le TYLRAP veut imposer la Charia au Pakistan et il a prévu de participer aux futures élections, après avoir déjà concouru à des élections partielles à Lahore en septembre dernier.
- Comment la violence a-t-elle démarré?
Pendant presque trois semaines, le rassemblement a paralysé l'accès à Islamabad depuis Rawalpindi, grande agglomération voisine où vivent la plupart des salariés de la capitale. Certains militants, armés de battes, fouillaient toute personne s'approchant et bloquaient les voitures.
Devant la frustration générée pour des dizaines de milliers de personnes quotidiennement, qui voyaient leurs temps de trajet exploser, et alors qu'un enfant était mort de n'avoir pu être transporté à l'hôpital, la justice a exigé des autorités qu'elles lèvent le blocus.
Samedi, 8.500 membres des forces de sécurité, police et paramilitaires, ont tenté de les évacuer, sans succès. Les baralvis, qui "se proclament défenseurs du prophète", sont désormais "militarisés", les rendant "très dangereux", observe l'expert Nadeem.
Les manifestations se sont parallèlement propagées aux deux plus grandes agglomérations du Pakistan, Karachi et Lahore, ainsi qu'à d'autres villes. Le gouvernement a finalement suspendu l'opération et appelé l'armée à la rescousse à Islamabad.
- Pourquoi le gouvernement n'a pas réagi avant?
Jusqu'à samedi, l'exécutif privilégiait la négociation avec les manifestants, quitte à paraître faible. A moins d'un an d'élections législatives, les autorités craignaient surtout que la dispersion par la force des manifestants ne leur coûte trop cher politiquement.
Vendredi, la justice a toutefois annoncé qu'elle convoquait lundi le ministre de l'Intérieur Ahsan Iqbal pour qu'il s'explique sur l'inertie de l'exécutif.
Le succès des manifestants est "extrêmement dérangeant" car il démontre "l'influence et l'impunité dont bénéficient les extrémistes" au Pakistan, estime l'analyste Michael Kugelman, du centre Wilson à Washington.
- Comment l'armée répondra-t-elle?
L'armée n'a pour l'instant pas répondu à l'appel du gouvernement et n'a pas réagi officiellement, suggérant qu'elle hésite à s'engager, peut-être dans l'espoir que les manifestants se dispersent d'eux-mêmes.
L'armée "exerce une forte présence et une forte pression en coulisses" sur le gouvernement civil, explique M. Kugelman.
Très puissante au Pakistan, notamment via ses services secrets, elle est accusée d'avoir sapé l'autorité de précédents gouvernements. Ce pays, une puissance nucléaire, a été dirigé par des généraux la moitié de ses 70 années d'existence.
A LIRE AUSSI.
Tension au Pakistan où les islamistes campent toujours dans la rue
Pakistan: calme tendu entre islamistes et forces de l'ordre à Islamabad
Pakistan: chute du Premier ministre, "disqualifié" pour corruption
Le Pakistan dans l'incertitude après la chute de son Premier ministre pour corruption
La frontière Inde-Pakistan, balafre de l'Asie du Sud depuis 70 ans
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.