"Hors de contrôle", "Chaos dans la capitale". La presse pakistanaise ne mâchait pas ses mots au lendemain de l'échec des forces de l'ordre à déloger quelques centaines de manifestants islamistes retranchés depuis trois semaines sur un pont autoroutier, paralysant la principale voie d'accès à la capitale.
Au moins six personnes ont été tuées et 230 blessées dans les affrontements qui ont opposé samedi les forces de l'ordre et des manifestants bien organisés.
"Mal préparée", l'opération n'a fait que renforcer la détermination des manifestants, et la vague de protestation a gagné d'autres grandes villes comme Karachi et Lahore, accuse le quotidien Dawn.
Appelée samedi soir en renfort par le gouvernement pour aider les autorités à "maintenir l'ordre sur le territoire d'Islamabad", la puissante armée pakistanaise ne s'est pas exprimée publiquement, ne laissant rien filtrer de ses intentions.
Aucun militaire n'était visible dimanche matin sur les lieux de la contestation, où police et manifestants étaient toujours face-à-face. Un journaliste de l'AFP a aperçu tôt dimanche une voiture et plusieurs motos apparemment incendiées par les manifestants à proximité du lieu du sit-in.
La manifestation est pilotée par un groupe religieux peu connu, Tehreek-i-Labaik Yah Rasool Allah Pakistan (TLYRAP), qui exige la démission du ministre de la Justice, à la suite d'une polémique au sujet d'un amendement, finalement abandonné, qu'il lie à la très controversée loi sur le blasphème.
Confusion
Pour les Pakistanais, la confusion était accentuée par la suspension par l'autorité de régulation des chaînes d'information en continu, ainsi que des perturbations dans l'accès aux réseaux sociaux. De faux communiqués présentés comme émanant des autorités circulaient sur des groupes WhatsApp.
"Seul Allah gouverne ce pays, je ne peux rien dire de plus. Rien ne marche, il n'y a que (la chaîne d'Etat) PTV qui fonctionne. J'écoute les informations et je passe à un programme pour enfants. Je n'ai pas la moindre idée de ce qui se passe", s'inquiétait Naeem, un habitant d'Islamabad interrogé dans la rue par l'AFP.
La contestation ne se limite plus à la seule capitale. Dans la mégapole portuaire de Karachi, au sud, la police a évacué plusieurs sit-ins tôt dimanche, mais plus d'une douzaine d'autres se poursuivaient, selon un journaliste de l'AFP.
La situation était identique à Lahore, où des centaines de manifestants ont passé la nuit dans la rue en différents lieux de la ville.
"Hier soir, j'ai raté mon avion pour Genève à cause du blocage des routes, imaginez les ambulances qui essayaient de rallier les hôpitaux. Un collègue s'est retrouvé bloqué pendant neuf heures (...) L'absence de médias et réseaux sociaux n'aide pas les citoyens", a twitté Nighat Dad, une avocate réputée de Lahore.
'Des gens dangereux'
Cette crise intervient à un moment difficile pour le pouvoir civil, quelques mois après la chute pour corruption du Premier ministre Nawaz Sharif, et à quelques mois d'élections législatives qui s'annoncent incertaines.
L'actuel gouvernement, mené par un fidèle de M. Sharif, Shahid Khaqan Abbasi, est depuis plusieurs jours sous le feu des critiques pour sa maladresse et sa lenteur dans la gestion de la crise, perçues comme une manifestation de faiblesse à l'égard de mouvements extrémistes en plein essor.
"Ces manifestations sont une affaire sérieuse. Nous ne devons pas nous laisser abuser par leur nombre réduit", souligne l'analyste Michael Kugelman, du Wilson Center à Washington, interrogé par l'AFP.
Les manifestants font partie de la secte barelvi, liée au soufisme, un mouvement mystique de l'islam perçu comme modéré.
Mais l'exécution l'année dernière de l'un de leurs membres, Mumtaz Qadri, pour l'assassinat du gouverneur libéral du Pundjab Salman Taseer en raison de ses positions sur la loi sur le blasphème, a conduit certains d'entre eux à adopter une ligne dure à ce sujet.
"Ce sont des gens dangereux avec des opinions dangereuses, et (leur présence) depuis plus de deux semaines est pour le moins très troublante. Cela en dit long sur l'influence et l'impunité dont bénéficient les extrémistes religieux au Pakistan", estime M. Kugelmann.
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