Saisi par deux simples citoyens, un tribunal de Harare a justifié vendredi l'intervention des militaires par la nécessité "de s'assurer qu'un individu non élu n'exerce pas des fonctions qui ne peuvent être remplies que par des élus".
"Les actes des Forces de défense zimbabwéennes visant à empêcher les proches de l'ancien président Robert Mugabe d'usurper le pouvoir sont constitutionnels", a conclu le juge, dont la décision a été rapportée samedi par la télévision d'Etat.
Sans les nommer, ce jugement fait référence à l'ex-Première dame du pays, Grace Mugabe, et à son entourage, à l'origine de la crise qui a provoqué la chute de son époux.
Les militaires ont pris le contrôle du pays dans la nuit du 14 au 15 novembre pour s'opposer à l'éviction du vice-président d'alors Emmerson Mnangagwa, qui barrait la route à Grace Mugabe pour la succession de son mari, âgé de 93 ans.
Un porte-parole des généraux avait alors démenti toute tentative de coup d'Etat contre le gouvernement.
Pour se prémunir des critiques et de tout risque d'intervention des pays voisins, ils avaient assuré que leur opération ne visait qu'à éliminer des "criminels" de l'entourage du chef de l'Etat, en l'occurrence son épouse Grace et ses soutiens.
Doutes
Placé en résidence surveillée, Robert Mugabe a résisté pendant plusieurs jours aux pressions de l'armée, de son parti et de la rue, avant de présenter mardi sa démission, sous la menace d'une procédure de destitution par le Parlement.
Le départ du plus vieux dirigeant en exercice de la planète a été salué par des manifestations de liesse à travers tout le pays.
Son successeur Emmerson Mnangagwa, 75 ans, a été officiellement investi vendredi devant plusieurs dizaines de milliers de partisans enthousiastes, réunis dans un stade de la capitale.
Mais certains, dans l'opposition comme à l'étranger, ont rapidement émis des doutes sur l'aptitude du nouveau chef de l'Etat, longtemps aux commandes de l'appareil répressif de Robert Mugabe, à rompre avec les habitudes de l'ancien régime.
Dans son discours d'investiture, M. Mnangagwa a promis de redresser l'économie, de lutter contre la corruption et que les élections prévues en 2018 seraient "libres et honnêtes".
De retour d'exil deux jours plus tôt, il avait salué le "début d'une nouvelle démocratie" dans son pays.
Dans un autre jugement rendu vendredi, la justice a également annulé, à la demande de M. Mnangagwa, son limogeage.
"L'éviction du requérant par Robert Gabriel Mugabe, alors président du Zimbabwe, des fonctions de vice-président du Zimbabwe le 6 novembre 2017 est nulle et non avenue", a tranché le juge dans son verdict.
Ces deux décisions ont ravivé le débat sur le passé "démocratique" de celui que l'on appelle le "Crocodile".
'Dangereux précédent'
Fidèle parmi les fidèles du régime, M. Mnangagwa, proche de la hiérarchie sécuritaire et plusieurs fois ministre, traîne derrière lui une réputation d'exécuteur des basses oeuvres répressives de l'ex-président Mugabe.
Selon Amnesty International, des dizaines de milliers de personnes ont été torturées, ont disparu ou ont été tuées pendant les presque quatre décennies de l'ère Mugabe.
Le responsable régional de l'ONG Human Rights Watch (HRW), Dewa Mavhinga, n'a pas caché sa surprise après ces "deux jugements incroyables". "Justice étrange, sous contrôle ?", s'est-il interrogé sur son compte Twitter.
"La justice a soutenu l'interprétation de l'armée selon laquelle il est autorisé et légal d'intervenir dans les affaires politiques", a renchéri samedi Alex Magaisa, expert zimbabwéen en droit. "C'est un dangereux précédent qui met le gouvernement sous la coupe des militaires", a-t-il écrit sur le site Big Saturday Read.
Comme pour nourrir ces craintes, la justice a commencé samedi à entendre quelques uns des proches soutiens de Grace Mugabe arrêtés par l'armée lors de son coup de force.
L'ex-ministre des Finances Ignatius Chombo était interrogé samedi par un juge, accusé de corruption, d'abus de pouvoir et de fraude.
Avant lui, l'ancien chef de la Ligue des jeunes du parti au pouvoir, la Zanu-PF, Kudzai Chipanga a comparu pour avoir "publié des déclarations qui portent préjudice" à l'Etat ou à l'armée. Le juge l'a placé en détention provisoire jusqu'à son procès.
fn-bgs-pa/lp
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