"La dimension exaltée donne à l'objet une sensualité, une existence plus intense, une présence plus grande", confie le peintre et sculpteur, admirateur dès son plus jeune âge de Picasso --"le plus grand peintre du 20e siècle" à ses yeux.
L'exposition présente, en parallèle, des oeuvres des deux maîtres pour en analyser les ressemblances, influences et contradictions: 60 tableaux et deux sculptures de Botero et 20 tableaux de Picasso.
"Avec son génie, sa capacité à faire tous les styles, Picasso a inspiré tous les peintres du monde", assure Fernando Botero qui admet avoir "vécu de nombreux moments sous son influence". Comme chez Picasso, les thèmes du cirque, de la corrida, des nus féminins, des natures mortes sont très présents. "Mais j'ai trouvé une façon de m'exprimer personnelle, qui n'a rien à voir avec Picasso", témoigne Botero.
Pour Cecilia Braschi, commissaire de l'exposition, "le lien et la mise en regard entre les deux peintres permet une analyse de l'oeuvre de Botero, tout au long de sa carrière, avec des facettes très différentes", depuis l'émulation de jeunesse, dans l'ombre de Picasso, jusqu'à la confrontation avec le maître espagnol.
Dans sa période cubiste, Picasso décompose des objets -- quand Botero, lui, les transforme pour montrer le volume et la masse. "Picasso décompose et déconstruit. Quand il peint une guitare, il fait une simplification qui rappelle la guitare mais enlève le volume. Moi je fais une guitare massive", souligne l'artiste colombien.
"C'est un dialogue fait d'échanges, d'allers-retours et parfois de désaccords", insiste Cécilia Braschi.
'C'est mon cheval'
Chez Botero, les sujets ont des formes voluptueuses, colorées et sensuelles. Et la sculpture s'inscrit dans la continuité de son oeuvre picturale. "C'est une prolongation de mon travail de peintre, c'est plus facile de passer d'un volume irréel à un volume réel parce que ma peinture a déjà un certain volume", dit le peintre.
En revanche, l'expression des visages est volontairement négligée. "Je ne veux pas faire une étude psychologique des personnages. Pour moi, une tête est un objet comme une main ou un pied", explique Botero pour lequel "la non-expression devient ainsi une expression".
A côté des scènes joyeuses et colorées, sont exposés des tableaux sombres et empreints de violence, guerres ou tremblements de terre. Car, tout comme Picasso, Botero se revendique artiste engagé qui fait "des tableaux pour la liberté et contre l'injustice".
"Très honoré d'être exposé, pour la première fois avec ce maître extraordinaire", Botero conserve la frustration de n'avoir jamais pu le rencontrer. "En 1953, avec un ami, je suis allé chez lui à Vallauris", se souvient-il. "Quelqu'un a ouvert la porte mais nous a renvoyés parce que nous n'avions pas rendez-vous. +Restez ici, il passe tous les jours+, nous a dit le patron d'un bistrot à côté... Je suis resté mais il n'est jamais venu", se désole encore aujourd'hui Botero.
A-t-il accompli son rêve d'être comme Picasso? "On a en commun la liberté et la surenchère de l'expression personnelle. On existe comme artistes, car on a une façon différente de voir, un style. Les sujets sont toujours les mêmes, comme celui du cheval qui date de la préhistoire. L'essentiel, c'est le style".
Dans le hall de l'hôtel de Caumont, un cheval de trois mètres de haut, aux formes très arrondies, en témoigne. "Il ne ressemble à aucun autre cheval représenté dans toute l'histoire de l'art. C'est mon cheval", sourit l'artiste.
"Botero, dialogue avec Picasso", Hôtel de Caumont, Aix-en-Provence, du 24 novembre au 11 mars.
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