Comme dans d'autres pays du continent, les représentants des forces de l'ordre zimbabwéens n'hésitaient pas à profiter de leur autorité pour extorquer une poignée de dollars en échange de leur mansuétude pour une infraction au code de la route souvent imaginaire.
Dans un pays au bord de la ruine financière, où l'Etat peine à boucler ses fins de mois, comment résister à la tentation d'arrondir son revenu...
Avec le coup de force de l'armée la semaine dernière, les policiers se sont envolés comme une volée de moineaux, pour laisser la place aux soldats et à leurs blindés. Au grand soulagement des usagers de la route.
"Je payais des pots-de-vin deux à trois fois par semaine", raconte Norman Manzini, 35 ans, au volant de sa berline, "aujourd'hui je n'en reviens pas, ma voie est libre".
"Même quand notre voiture était en parfait état de rouler, ils nous arrêtaient pour n'importe quoi et nous réclamaient une amende", poursuit le courtier. "Pour s'en sortir, il n'y avait pas d'autre solution que de payer 5 ou 10 dollars".
L'armée a pris le contrôle du Zimbabwe dans la nuit du 14 au 15 novembre pour dénoncer l'éviction du vice-président Emmerson Mnangagwa, sur instruction de la Première dame Grace Mugabe qui lui disputait la succession de son mari.
Ses blindés ont pris position autour des points stratégiques de la capitale, comme le Parlement ou la Cour suprême.
'Enfin tranquilles'
La retraite de la police qui a suivi ce déploiement de l'armée n'a pas surpris les observateurs de la vie politique zimbabwéenne, qui rappellent que son chef Augustine Chihuri était un fervent partisan de Mme Mugabe.
Comme s'en félicite Norman Manzini, les soldats n'ont pas repris les mauvaises habitudes de leurs collègues policiers, depuis reclus dans leurs commissariats.
"L'armée n'est pas dangereuse, ni corrompue", assure-t-il. "Elle laisse les gens vivre leur vie".
"Il y avait tellement de barrages policiers avant, le chauffeur devait à chaque fois lâcher 1 ou 2 dollars", confirme Spiwe Azvigumi, passagère d'un de ces nombreux "kombis", les minibus surchargés qui quadrillent les artères de Harare.
"Maintenant que la police n'est plus dans les rues, la criminalité a reculé", note cette mère de famille, "nous sommes tranquilles".
Mais les meilleures choses ont une fin. La démission, mardi, de Robert Mugabe, et l'investiture vendredi de son successeur Emmerson Mnangagwa laissent présager d'un retour des militaires dans leurs casernes. Et d'une réapparition des policiers et des embouteillages.
Paddington Chichiri, 24 ans, s'en inquiète déjà. Chaque jour, il est contraint à 18 km de route entre son domicile de la banlieue de Glen View et son travail du centre-ville. Avec la police, son trajet prenait souvent les allures d'une interminable odyssée.
"Même si les policiers ne nous arrêtaient pas systématiquement, il nous fallait plus de quarante minutes pour passer six ou sept barrages", fulmine-t-il, "depuis que la police n'est plus là, ça nous prend moins de vingt minutes".
Alors, même s'il se réjouit de la fin de la crise, il est prêt à accepter un peu plus longtemps la présence de soldats dans les rues. "Ils ne nous dérangent pas", assure-t-il, "au contraire".
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