C'est un souvenir douloureux qui continue à hanter les Néerlandais, les militaires envoyés sur place sous mandat de l'ONU tout comme les politiciens et les civils.
Limitrophe de la Serbie et placée sous la protection des Nations Unies, l'enclave de Srebrenica, dans le nord-est de Bosnie, est tombée aux mains des forces serbes le 11 juillet 1995, au cours d'une guerre qui a fait plus de 100.000 morts et 2,2 millions de déplacés.
Dans leur base militaire de Potocari, non loin de là, les Casques bleus du bataillon néerlandais "Dutchbat III" ont recueilli des milliers de réfugiés. Mais submergés, ils ont fermé les portes aux autres civils avant de laisser les Serbes de Bosnie évacuer ceux qu'ils avaient accueillis dans la base.
Les hommes ont alors été séparés de leurs femmes et mères, et dirigés vers des bus. En quelques jours, près de 8.000 musulmans sont tués. Qualifié de génocide par le TPIY, il s'agit de la pire tuerie en Europe depuis la Seconde guerre mondiale. Et l'une des pages les plus noires de l'histoire des Pays-Bas.
21 ans
"J'étais un jeune homme de 21 ans qui ne savait pas très bien parler", confiait un ancien membre du Dutchbat Edo van den Berg à l'AFP en 2015, "mais j'ai quand même essayé de les calmer un peu en leur disant: +Nous sommes là, tout va bien se passer+." "C'est quelque chose que je n'aurais jamais dû promettre."
L'ancien chef militaire des Serbes de Bosnie Ratko Mladic était ensuite venu dire "au revoir aux hommes du Dutchbat lorsqu'ils ont été forcés de quitter l'enclave", se souvient Olaf Nijeboer, porte-parole du groupe de travail Dutchbat.
"C'était l'humiliation ultime", ajoute-t-il, cité jeudi dans la presse néérlandaise.
L'ancien chef militaire des Serbes de Bosnie, Ratko Mladic, a été condamné mercredi à la perpétuité pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité par le TPIY, qui ferme ses portes le 31 décembre.
Mais aux Pays-Bas, la plaie ne se referme pas sur ce chapitre sombre de la guerre en Bosnie.
Les procès défilent devant la justice néerlandaise. Et le thème revient fréquemment au devant de la scène politique. Que ce soit quand une enquête entraîne la démission du gouvernement en 2002. Ou lorsque le président turc Recep Tayyip Erdogan appuie là où ça fait mal en pleine crise diplomatique entre La Haye et Ankara, insultant les Pays-Bas de n'avoir "rien à voir avec la civilisation".
'Pourquoi n'avez-vous rien fait?'
Aujourd'hui encore, "sur les terrains de foot, dans leurs familles, au café", on demande aux soldats du Dutchbat: "mais pourquoi n'avez-vous rien fait?", confiait à l'AFP l'avocat Michael Ruperti.
Les ex-Casques bleus néérlandais ont été la cible de critiques pendant deux décennies pour avoir "placé leur sécurité au-dessus" du reste, mais aucun d'eux n'a jamais été condamné. Et la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a douché l'an dernier les espoirs des proches de trois victimes bosniaques qui réclamaient un procès.
Parmi eux, Hasan Nuhanovic, interprète auprès du bataillon néerlandais, leur reprochait d'avoir "livré (sa) famille aux Serbes qui les ont tués" lors du siège de Srebrenica.
Unique survivant de sa famille, il a pu rester à la base en tant qu'employé de l'ONU mais les Néerlandais lui ont "demandé de traduire à son père qu'il devait quitter la base". Il a perdu son frère et son père, pour les décès desquels il a reçu une indemnisation de La Haye.
Mission impossible
Mais pour les soldats, c'était une "mission impossible".
Au moins 220 vétérans demandent une compensation financière, a indiqué jeudi De Telegraaf, ainsi qu'une reconnaissance et des excuses du gouvernement.
L'an dernier, l'ex-ministre de la Défense Jeanine Hennis avait reconnu que le bataillon avait été dépêché "sans moyens suffisants (...) pour protéger une paix qui n'existait déjà plus". Relançant un débat public intarissable.
Symbole lourd, Srebrenica est un génocide pour lequel l'Etat n'a été ni condamné, ni blanchi.
En 2013, les Pays-Bas étaient devenus le premier État tenu responsable des actes de ses propres soldats opérant sous mandat de l'ONU avant d'être reconnus en appel cette année partiellement responsables du décès de 350 musulmans.
Mais pour le gouvernement, qui se pourvoit en cassation, "personne n'aurait un jour pensé qu'un génocide était possible en Europe en 1995", a affirmé l'avocat Bert-Jan Houtzagers.
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