Près d'une semaine après le coup de force de l'armée provoqué par son éviction, M. Mnangagwa est sorti du silence pour réclamer à son tour la démission du chef de l'Etat, qui dirige le pays d'une main de fer depuis trente-sept ans.
"J'invite le président Mugabe à tenir compte des appels lancés par le peuple à sa démission de façon à ce que le pays puisse avancer", a déclaré dans un communiqué celui que l'on surnomme le "Crocodile".
Le peuple a "clairement démontré sans violence son insatiable appétit" de changement, a plaidé celui qui fait figure de favori pour assurer la future transition politique.
M. Mnangagwa, 75 ans, a été écarté le 6 novembre, sur l'insistance de la Première dame Grace Mugabe qui lui disputait la succession du chef de l'Etat âgé de 93 ans.
L'éviction de ce fidèle du régime, héros de la lutte de "libération" du Zimbabwe, a provoqué l'intervention de l'armée, qui contrôle le pays depuis la nuit du 14 au 15 novembre.
Depuis, le plus vieux dirigeant en exercice de la planète résiste bec et ongles aux appels à la démission lancés par les militaires, son parti qui l'a lâché et la rue.
Les anciens combattants de la guerre d'indépendance, un des piliers du régime, ont appelé mardi à manifester dès "maintenant" pour précipiter la chute du vieil autocrate.
'Bye bye Robert'
"Toute la population doit abandonner ce qu'elle est en train de faire (...) et se diriger vers le +Toit bleu+", la résidence de M. Mugabe, a déclaré à l'AFP leur influent chef, Chris Mutsvangwa : "Nous voulons que Mugabe parte immédiatement".
M. Mutsvangwa avait initialement appelé à défiler mercredi.
Sous l'oeil bienveillant de l'armée, plusieurs dizaines de milliers de personnes avaient déjà envahi samedi les rues d'Harare et de Bulawayo, deuxième ville du Zimbabwe, dans le sud-ouest, aux cris de "Bye bye Robert" ou "Adieu grand-père".
Des centaines d'étudiants ont également manifesté lundi sur le campus de l'université d'Harare pour exiger son départ.
Dans sa déclaration mardi, Emmerson Mnangagwa, à l'étranger depuis son limogeage, a confirmé qu'il était en contact avec le président Mugabe, ainsi que l'avait révélé lundi soir le chef d'état-major de l'armée, le général Constantino Chiwenga.
"Je peux confirmer que le président (...) m'a invité à rentrer au pays pour une discussion sur les événements politiques en cours dans la nation", a indiqué l'ex-cacique du régime, "je lui ai répondu que je ne rentrerai pas tant que je ne suis pas satisfait des conditions de ma propre sécurité".
Le général Chiwenga a jugé lundi soir "encourageants" les pourparlers entre les deux hommes.
L'armée, qui dément mener un coup d'Etat, essaie d'obtenir en douceur la reddition du chef de l'Etat afin d'éviter les critiques et d'éventuelles menaces d'intervention des pays voisins, où l'aura du "libérateur" Robert Mugabe reste forte.
"Plusieurs garanties ont été données" et le président "a accepté une feuille de route" pour une sortie de crise, a assuré le chef d'état-major sans donner plus de détails.
'Trop c'est trop'
Le général Chiwenga a appelé la population, de plus en plus impatiente, au "calme" et à la "patience".
Sans attendre une éventuelle conclusion de ces discussions, le parti du président, la Zanu-PF, a décidé d'enclencher dès ce mardi une procédure de destitution au Parlement.
"Trop, c'est trop. Mugabe doit partir", a déclaré lundi à l'AFP un de ses élus, Pesai Munanzvi. "Nous voulons nous débarrasser de cet animal", a renchéri un autre, Vongai Mupereri.
Réunie en urgence, la direction de la Zanu-PF a démis dimanche Robert Mugabe de son mandat de président du parti, et lui avait laissé jusqu'à lundi midi pour quitter son poste de président du pays, faute de quoi elle engagerait sa destitution.
Mais le président est resté sourd à ses appels. Provocateur, il a même affirmé dimanche soir, lors d'une allocution télévisée, qu'il présiderait le congrès de son mouvement en décembre.
La Zanu-PF veut accuser Robert Mugabe "d'avoir autorisé sa femme à usurper des pouvoirs" et de "ne plus être en capacité physique d'assurer son rôle compte tenu de son grand âge", a précisé un de ses députés, Paul Mangwana.
Selon l'article 97 de la Constitution zimbabwéenne, l'Assemblée nationale et le Sénat peuvent engager à la majorité simple une procédure de révocation du président.
Une commission d'enquête est alors formée pour formuler une résolution de destitution, qui doit être approuvée à la majorité des deux-tiers.
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